Date de publication:
Lundi 15 Avril 2013 - 14:21
Publié ici :
15 Avril 2013Mis à jour le :
23 Juin 2017Mots-clefs:
- corruption
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Zone géographique:
- Moyen-Orient
La justice un chantier qui s'éternise
Le débat sur la réforme de la justice ne date pas d’aujourd’hui. La Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies et le Fonds des Nations unies pour la Population (FNUAP) constatent que les défaillances du système judiciaire portent atteinte au respect des droits des citoyens. Ainsi, on ne compte plus le nombre de déclarations et d’appels depuis le rapport de la Banque Mondiale de 1995 pour une réforme globale et profonde de la justice au Maroc. Ce rapport de 1995 dresse un diagnostic des dérives dont souffre l’appareil judiciaire. Il estime que les dysfonctionnements de la justice et son manque de crédibilité entravent la croissance et le développement du pays. De ce fait, l’amélioration du fonctionnement de l’appareil judiciaire est, pour la Banque Mondiale, une priorité. Il en est de même pour les organes impliqués dans le respect des droits fondamentaux tels que le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) qui souligne dans son rapport public « Rapport arabe sur le développement humain 2009, défis en matière de sécurité humaine dans les pays arabes » que seuls 10% des Marocains croient au droit à un procès équitable.
Les entraves à un procès équitable au Maroc
Les dysfonctionnements se manifestent à plusieurs niveaux de l’institution judiciaire. En premier lieu, le problème de la langue : les marocains ne peuvent témoigner qu’en arabe, ce qui pose un réel problème pour les amazighophones marocains des zones rurales du Maroc. Un juriste de Rabat explique « un berbérophone ne peut pas bénéficier de l’aide d’interprète, à la différence d’un européen qui peut témoigner dans la langue de son choix ». En second lieu, les frais de justice constituent une entrave non négligeable. En effet, tout citoyen désirant enclencher une action en justice doit payer des taxes judiciaires. Les perceptions des barèmes sont fixées à 2,5% pour les sommes d’argent comprises entre 5000 et 20 000 et à 1% pour les sommes supérieures à 20 000 DH. En principe, ce paiement s’effectue une seule fois à partir du déclenchement de la procédure judiciaire jusqu’à la phase ou le jugement acquiert l’autorité de la chose jugée. Mais dans la pratique, la situation n’est pas aussi simple. Lorsqu’une expertise supplémentaire est requise, le justiciable peut se trouver dans l’obligation d’effectuer un second paiement dont le montant peut varier entre 500 et 5000 DH selon la nature de cette dernière.
En plus de ces contraintes financières, l’assistance judiciaire destinée aux plus démunis afin d’assurer le principe de gratuité, s’avère complètement inefficace. Il ressort d’un bilan sur l’assistance judiciaire, dressé par le ministère de la justice et des libertés qu’il subsiste une absence totale de cette dernière procédure, une complexité et une lenteur des démarches administratives ainsi qu’une inexistence des critères objectifs pour en bénéficier. Mohammed Rami, avocat au barreau de Casablanca souligne que « souvent, l’avocat commis d’office se contente de demander un report de l’audience, ou défend mal son client parce qu’il travaille dans l’urgence et n’a aucune connaissance du dossier ». Dans les procès de divorce ou de viol, Khadija Rouggani, avocate spécialisée dans les droits de la femme souligne que « une femme se retrouve face à un gardien de morale et non pas devant un juge impartial ». L’exemple le plus flagrant a été celui d’Amina Filali qui s’est suicidée après avoir été contrainte de se marier à son violeur. On peut faire le constat d’une culture juridique, au Maroc, qui succombe aux préjugés de la société, aux contraintes morales, aux coutumes et aux traditions au détriment de jugements impartiaux et objectifs.
Un autre élément s’ajoute à cette panoplie d’obstacles : la carte judiciaire. Le Maroc compte 70 tribunaux de 1ère instance, 21 cours d’appel, 9 tribunaux administratifs, 8 tribunaux de commerce, 3 cours d’appel de commerce et 2 cours administratives d’appel. Un nombre qui parait insuffisant pour répondre aux besoins de la population, notamment en ce qui concerne les juridictions de second degré et les tribunaux spécialisés. Le deuxième déséquilibre de la carte judiciaire renvoie à la répartition territoriale de ces juridictions. En effet, le déploiement des tribunaux sur l’ensemble du royaume révèle une carte judicaire concentrée sur les grandes métropoles qui est, de ce fait, totalement éloignée et inaccessible pour une grande partie de la population. Cette dernière obstruction s’observe, en particulier, au niveau des juridictions de second degré et des tribunaux spécialisés. Tant d’éléments qui démontrent que l’égalité de droit, garantie par le pouvoir judiciaire, ne permet pas, dans la majorité des cas, , d’obtenir une égalité de fait. Ceci explique donc en partie le discrédit dont souffre la justice marocaine. Il s’agit d’un système qui, à travers ses divers dysfonctionnements, a produit des inégalités importantes, en creusant davantage le fossé social entre majorité arabophone et minorité amazighophone, hommes et femmes, abandonnant, de ce fait, les valeurs sur lesquelles repose l’Etat de droit et que la justice doit garantir dans son exercice.
(...)
Par Mariam Benalioua, juriste, en stage au CJB depuis janvier 2013. Membre du groupe jeune de l' Association Démocratique des Femmes du Maroc ( ADFM). Membre de Capdema / Cap Démocratie Maroc.
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