Quartiers aristocratiques et quartiers populaires dans les villes du dār al-islām médiéval
Dans les villes de l'empire arabo-musulman médiéval comme dans leurs homologues européennes, la répartition sociale de la population dans l'espace urbain était hétérogène, et depuis le XIXe siècle les historiens se sont employés à identifier quartiers aristocratiques et quartiers populaires, en se focalisant particulièrement sur les lieux de résidence des élites politiques et militaires. La tâche est cependant compliquée par le fait que la topographie même des villes du domaine musulman médiéval reste mal connue, en raison des modifications parfois drastiques du tissu urbain à travers les siècles, de l'absence de représentation cartographique de ces villes avant, au mieux, la fin du Moyen Âge, et de la rareté des fouilles intra-urbaines pour les sites qui sont encore occupés aujourd'hui, c'est-à-dire pour la grande majorité des villes considérées.
Pour chaque contexte urbain, il revient donc aux historiens de retracer, à partir des textes essentiellement, la naissance, le développement et souvent le déplacement de ces « beaux quartiers » et, chantier historique moins exploré jusqu'ici, de chercher à localiser les lieux de résidence des catégories plus modestes de la population, artisans, petits commerçants, manœuvres et soldats. Le rôle de l'évergétisme des élites urbaines sur l'évolution de leurs quartiers de résidence et sur les autres espaces de la ville doit également être réévalué pour chaque ville, dans une perspective diachronique.
La même grille d'analyse sera conjointement appliquée à la question de la mixité religieuse et ethnique au sein des villes. On s'interrogera notamment sur les lieux de résidence des non-musulmans (ḏimmī-s). L'existence, dans les villes du dār al-islām médiéval, de quartiers réservés aux ḏimmī-s ou principalement habités par eux, a longtemps été considérée comme allant de soi, à partir du modèle des villes du domaine musulman telles qu'elles apparaissaient aux historiens européens du XIXe et de la première moitié du XXe siècle. Mais l'étude de cas montre que bien souvent, la répartition confessionnelle n'était qu'imparfaitement ébauchée à l'époque médiévale. Néanmoins, lorsque l'existence de quartiers à forte homogénéité confessionnelle pourra être mise en évidence, on se demandera s'ils se distinguaient des autres espaces urbains par l'existence d'infrastructures particulières, et quels types de relations ils entretenaient avec les quartiers voisins. Dans les cas où le regroupement confessionnel n'apparaît pas de façon significative, on se demandera si l'on peut pour autant parler d'une mixité confessionnelle en matière résidentielle ou s'il s'agissait plutôt d'une simple cohabitation n'engendrant pas de sociabilités particulières. Enfin, un questionnement proche sera mené sur la répartition urbaine des différents groupes musulmans (dans le cas de villes « mixtes » comme Bagdad, pouvait-on distinguer des quartiers propres aux populations shiʿites ou aux membres de maḏhab-s particuliers ?), et les groupes ethniques présents dans la ville recevront une attention semblable.
La table ronde sera suivie d'une formation à la cartographie historique (sur inscription).
Programme
Matinée (9h-13h)
Espace des lettres, salle de conférences
9h00 : Accueil des participants 9h30 : Bruno Paoli (Ifpo) : ouverture de la table ronde 9h45 : Mathieu Eychenne et Vanessa Van Renterghem (Ifpo) : présentation de la table ronde 10h00 : Sylvie Denoix (Ifao) : introduction méthodologique 10h30 : Annliese Nef (univ. Paris 1 – Panthéon Sorbonne) : Palerme (XIe-XIIe siècles)