Conférence organisée par l'Institut oriental de l'Académie des Sciences de la République tchèque et par le Centre français de recherche en sciences sociales (CEFRES, Prague), en partenariat avec le Groupe de Recherches et d'Études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient (GREMMO, Lyon) et le Cercle des Chercheurs sur le Moyen-Orient (CCMO).
Session générale, 29 mai
Partis d'Iran en 2009, les récents mouvements de protestation se sont rapidement répandus à travers les pays du Moyen-Orient et du Maghreb. À y regarder de plus près cependant, ces mouvements étaient loin d'être uniformes, tant dans leurs facteurs déclenchant que dans leurs objectifs. Ainsi, certains d'entre eux ont été provoqués par le rejet des fraudes électorales, et d'autres par l'exaspération des conflits sociaux. Bien que certains facteurs, tels que la corruption et les mauvaises réponses des gouvernements aux problèmes actuels, se retrouvent dans tous les cas de figure, on constate a contrario que, si les droits civiques et les libertés politiques figuraient en tête des revendications des manifestants dans certains pays, ils étaient déjà devenus depuis longtemps la norme dans d'autres. Par ailleurs, ces mouvements se sont produits dans des pays aussi culturellement et historiquement différents que l'Iran (2009), les États arabes (2011), Israël (2011) et la Turquie (2013). Or, mis à part leur appartenance à une même région du globe, des centres de protestation tels que Le Caire, Istanbul, Téhéran et Tel Aviv n'ont pas grand chose en commun, que ce soit en termes culturels, sociaux ou politiques. Certaines thématiques sont cependant communes à tous ces mouvements, comme l'appel à repenser le pacte liant l'État à ses citoyens, les problèmes soulevés par la rapide urbanisation des dernières décennies, ainsi que par les dynamiques de sécularisation, les défis structurels à relever par ces sociétés, et par dessus tout, la crise économique de 2008 et la centralité retrouvée des conflits sociaux. Mais même ces problématiques communément partagées ont eu des impacts variés sur les sociétés du Moyen-Orient, du fait de leurs nombreuses différences. C'est en gardant cette diversité à l'esprit que les organisateurs de cette conférence se proposent de rassembler politistes, historiens, géographes, sociologues, et autres chercheurs en sciences sociales travaillant sur ces sociétés.
Plutôt que d'essayer de lier entre eux des phénomènes différents en recourant à des constructions théoriques abstraites, cette conférence vise à établir une comparaison multi-niveau, basée sur la respect de la singularité de chaque cas.
Panel 1, 30 mai
Le rôle des élections dans un contexte contestataire : Vers une redéfinition des relations État-société ?
Depuis les élections présidentielles iraniennes de juin 2009, la redéfinition du pacte liant l'État à la société a été au cœur des luttes sociales et politiques de la région. L'organisation d'un transfert du pouvoir à des civils régulièrement élus, ou tout au moins celle d'élections anticipées, a constitué une réaction assez commune des gouvernants confrontés à la montée de la contestation populaire, que ce soit pour remplir le vide suivant la chute du chef de l'État (Tunisie, Égypte, Libye), ou dans le but plus ou moins avoué de couper l'herbe sous le pied des contestataires (Maroc). La plupart de ces élections ont été précédées par d'importants changements dans les règles du jeu politique, concernant notamment le cadre constitutionnel, les lois électorales et la législation sur les partis politiques. Même dans un pays comme Israël, ou la démocratie parlementaire est généralement perçue comme bien enracinée, un parti issu des mouvements de contestation a réalisé une percée durant les élections de 2013, perturbant l'équilibre des pouvoirs au Parlement.
Ces processus électoraux ont-ils constitué un instrument de changement politique, ou simplement un moyen de reconfigurer les régimes existants ? Les conflits sociaux ont-ils réellement constitué le cœur des récentes vagues de colère populaire ? Quel a été le rôle des partis politiques et des élites traditionnelles dans ces événements ? Qui sont les nouveaux acteurs politiques apparus à cette occasion, et de quelles forces disposent-ils ? Ces élections ont-elles contribué à hiérarchiser les problèmes politiques qui se posent actuellement aux sociétés moyen-orientales ? Plus important encore : quel a été leur impact sur la gouvernance ?
Les contributions à ce panel devront prendre en considération les deux aspects – institutionnel et sociologique – de ces élections, ainsi que les relations existants entre ces deux faces du phénomène.
Panel 2, 30 mai
Autocratie et culture politique au Moyen-Orient : Précédents historiques et défis actuels
Les régimes autocratiques du Moyen-Orient ont une longue histoire, associée à des leaders charismatiques tels que Mustafa Kemal Atatürk en Turquie, Reza Shah Pahlavi en Iran, ou encore Gamal Abdal Nasser en Égypte. Cette histoire des autocraties de la région est davantage qu'un simple élément de pedigree des régimes actuels : certaines des plus importantes réalisations du 20e siècle, telles que la construction des États modernes et les réformes sociales, ont été associées de près à l'autoritarisme. Les figures des autocrates n'ont jamais cessé de servir de points de référence, et de constituer une source de fierté nationale. Même les récents mouvements de protestation – qui se sont pourtant souvent opposés à des régimes autoritaires, au moins dans un premier temps – n'ont pas conduit à un total discrédit de l'autocratie comme modèle politique viable ; dans plusieurs cas, ce modèle est réapparu sur le devant de la scène après une courte éclipse.
L'objectif de ce panel est d'examiner l'intérêt de se référer aux figures autocratiques du passé pour analyser les tentatives contemporaines de transformation politique. Comment expliquer l'attrait exprimé par certains secteurs de la société pour l'homme providentiel ? Quelles seraient d'ailleurs les caractéristiques d'un tel homme ? Est-ce que les acquis des régimes autoritaires, et en premier lieu le sécularisme, sont compatibles avec le règne de la majorité ? Par ailleurs, l'armée – qui a joué un grand rôle dans la construction des États indépendants de la région – peut-elle sur le long terme se mettre au service de régimes démocratiques ?
Session générale : Les États du Moyen-Orient face à la contestation - 29 mai 2014, Salle de conférence 206
9h30 Accueil des participants 10h00-11h00 Discours de bienvenue et conférence introductive Conférence introductive : Prof. Henry Laurens, Collège de France Le printemps arabe 2011-2013 11h00-11h30 Pause café 11h30-13h00 Le rôle des mouvements sociaux Dr. Giulia Daniele, Sant’Anna School of Advanced Studies, Pise Social and political activism in Israel/Palestine: Different cases of protest in recent years (Le militantisme politique et social en Israël et Palestine : différents cas de mobilisations récentes) Gamze Hakverdi, Université Hacettepe, Ankara Resistant bodies: “We are here, Here we are!” (The case of Gezi Park) (Corps résistants : « Nous sommes ici et nous y resterons ! » : étude du cas de Gezi Park) Eva Schmidt, Freie Universität, Berlin Strong but divided: The feminist movements in Tunisia (Forts mais divisés : les mouvements féministes en Tunisie) 13h00-14h30 Pause déjeuner 14h30-16h00 L'adaptation des forces politiques Narciss M. Sohrabi, LADYSS (Université Paris X), Paris Public space between cooperation and conflict (Case study: Tehran) (L'espace public, entre coopération et conflit : étude du cas de Téhéran) Dr. Takaoka Yutaka, The Middle East Research Institute of Japan, Tokyo Traditional political forces in the current conflict in Syria (Les forces politiques traditionnelles dans le conflit syrien en cours) Dr. Didier Leroy, Académie militaire royale de Belgique, Bruxelles Lebanese Hezbollah, at the crossways of the Middle-Eastern protests (Le Hezbollah libanais, à la croisée des protestations au Moyen-Orient) 16h00-16h30 Pause café 16h30-18h00 Les réactions des États David Rigoulet-Roze, IFAS, Paris Dr. Sébastien Boussois, Institut Medea, Bruxelles Dr. Aysen Uysal, Université Dokuz Eylül, Izmir Effet de la répression sur le répertoire d’action collective. Exemple des actions protestataires de juin 2013 en Turquie
Le rôle des élections dans un contexte contestataire. Vers une redéfinition des relations État-société ? 30 mai 2014, Salle de conférence 206
10h00-11h00 Les règles du jeu et la question de la légitimité en période de transition Tereza Jermanová, Université Charles, Prague The electoral system reform ahead of the 2011/2012 elections to the People's Assembly in Egypt (La réforme du système électoral en vue des élections législatives égyptiennes de 2011-2012) Dr. Didier Boutet, CITERES, Tours & Mahfod Ali Twati, Université Alsmariya, Zliten La Libye vers la reconstruction de l'État : le rêve et l'enjeu politique Prof. Alia Gana, IRMC, Tunis & Déborah Perez, ENS, Paris Processus électoraux et conflits de légitimités en Tunisie 11h00-11h30 Pause café 11h30-13h00Le rôle limité des élections comme vecteur de la contestation Dr. Jean-Paul Burdy, GREMMO, Lyon « Y aller, ou pas ? ». Participer aux élections, ou les boycotter dans les années 2000-2014 (Iran, Bahreïn, Koweït) Ali Fathollah-Nejad, SOAS, Londres Iran's Green Movement: A critical account (Le mouvement vert en Iran : un compte-rendu critique) Dr. Ali Granmayeh, Anciennement SSEES et SOAS, Londres Elections, confrontation and compromise in Iran (Élections, confrontations et compromis en Iran) 13h00-15h00 Pause déjeuner 15h00-16h30L'impact des élections sur les rapports État-société Dr. Rukiye Tinas, Laboratoire Triangle (UMR 5206), Lyon Étude comparative des trois mandats de l'AKP, du point de vue identitaire Dr. Clément Steuer, Institut oriental (ASRT), Prague Égypte 2011-2012 : des élections pour rien ? Dr. Amin Allal, WAFAW (ERC/CNRS IREMAM), Marseille Dispositions politiques émergentes dans une ville de banlieue populaire de Tunis
Autocratie et culture politique au Moyen-Orient. Précédents historiques et défis actuels 30 mai 2014, Salle de conférence 205
10.00-11.30 L'arrière-plan historique Prof. Firouzeh Nahavandy, CECID, Bruxelles La dynastie Pahlavi et la modernisation par le haut Dr. Jan Zouplna, Institut Oriental ASRT, Prague The autocratic aspects of the pre-independence Israeli right revisited (Un retour sur les éléments autocratiques de la droite israélienne d'avant l'indépendance) Akram Kachee, GREMMO, Lyon Les origines institutionnelles de la crise syrienne : retour sur le régime de Hafez El-Assad 11h30-12h00 Pause café 12h00-13h30 Les armées et les autocraties face aux soulèvements populaires Prof. Jean Marcou, Sciences Po, Grenoble Les systèmes sécuritaires turc et égyptien à l'épreuve du changement politique Dr. Mamduh Nayouf, Bordeaux Les régimes autoritaires arabes et l'échec de la « stratégie de survie » 13h30-15h00 Pause déjeuner 15h00-16h30 L'islam, l'islamisme et la question du pouvoir Dr. Christian Tamas, Université Alexandru Ioan Cuza, Iasi Between democracy and autocracy. The polymorphism of contemporary Islam (Entre démocratie et autocratie. Le polymorphisme de l'islam contemporain) Zora Hesová, Association for International Affairs, Prague Persistence of Arab authoritarianism or obstructed collective deliberation? (Persistance de l'autoritarisme arabe, ou blocage des processus de délibération collective?) Dr. Marie Vannetzel, WAFAW (ERC/CNRS, CERI-Sciences Po), Paris Body of the leader and crowds of bodies: reflecting about the bodily building of the presidential role in Egypt (Corps du leader et foules de corps : réflexions sur la construction corporelle du rôle présidentiel en Égypte)