Date de publication:
Jeudi 22 Janvier 2015 - 11:34
Publié ici :
22 Janvier 2015Mis à jour le :
23 Juin 2017Mots-clefs:
- internet
- cyberactivisme
- activisme
- pouvoir
- édito
- blog
- réseaux sociaux
- Maroc
- CJB
Zone géographique:
- Moyen-Orient
Le pouvoir face au cyberactivisme au Maroc
Le web participatif (blogosphère et médias sociaux) et l'internet en général occupent une place de plus en plus importante dans la société marocaine. Cette place contribue à l'émergence de nouvelles formes d'activisme sur le Net qui répond au désir des individus de communiquer et de partager leurs expériences, leurs soucis et coups de gueule ou de cœur. Il s'agit ainsi d'un activisme, au sens politique du terme, prenant appui sur les moyens offerts par l'internet contre toute forme d'autoritarisme étatique et toute atteinte aux libertés publiques, « un moyen radical, fidèle et passionné de dire la vérité », pour reprendre les mots de Driss Ksikès (2013).
Ces nouvelles formes d'usage d'internet vont très rapidement attirer l'attention du régime politique qui ne se contente pas de les contrôler ou de les censurer. L'hypothèse ici porte sur l'idée que la politique de contrôle ou de censure des régimes politiques agit sur l'évolution et la nature même du cyberactivisme. Dans ce sens, une logique « extrémiste » de censure, voire l'interdiction de l'usage d'internet, risque de radicaliser des acteurs à la base apolitiques (Shirky, 2011). C'est d'ailleurs la logique de censure qui a été adoptée par des régimes arabes comme celui de Ben Ali avant et pendant la révolution. Cette logique a conduit à une sorte de radicalisation du cyberactivisme en Tunisie. Les autorités marocaines ont, quant à elles, adopté une logique de censure plus « modérée », ou plus exactement un contrôle qui vise précisément à éviter toute forme de radicalisation du cyberactivisme dans le pays. En contribuant à la fois à l'institutionnalisation et à l'instrumentalisation du Web interactif, ces autorités vont toutefois favoriser l'émergence d'une méfiance à l'égard des médias sociaux et d'Internet et d'une prise de conscience généralisée que chacune de nos actions laisse une trace (Ksikès et Bensalem, 2013).
Genèse du cyberactivisme au Maroc
L'étude des relations entre le pouvoir et le cyberactivisme au Maroc nécessite donc une réflexion plus approfondie sur la genèse de cette nouvelle forme d'activisme, ses usagers et son impact sur l'émergence de nouveaux espaces publics dans le pays.
Le cyberactivisme a commencé au Maroc, et partout dans le monde arabe, peu après la première moitié des années 2000. En 2007, les protagonistes des protestations publiques commencent à se servir de ces moyens de communication pour leurs activités de dénonciation, de mobilisation et de coordination (Laacher et Terzi, 2013). Le 28 juillet 2007 est plus précisément considéré comme la date de naissance du cyberactivisme au Maroc. Ce jour-là, un "sniper" anonyme, surgi de nulle part dans le bourg perdu de Targuist, saisit avec la fonction photo de son téléphone portable deux gendarmes soudoyés par un automobiliste marocain. Il postera la scène (en plusieurs séquences) sur le site de partage de vidéo on-line Youtube. Les trois vidéos postées ont dépassé le demi-million de vues. Cette logique des "snipers" met en évidence un nouveau type de citoyenneté engagée, prenant des risques dans l'espace publique, qui allait culminer trois ans et demi plus tard avec le Mouvement du 20 février 2011 (#M20F). On prend des risques pour révéler au plus grand nombre des vérités douloureuses, occultées par l'establishment (Ksikès, 2013), médias nationaux compris. Le but affiché est de « consolider le contrôle du citoyen sur la scène politique ». Les messages des cyberactivistes marocains sont désormais bien relayés par le site Mamfakinch qui se conçoit comme une agence de presse alternative (www.mamfakinch.ma )
Autre exemple qui marque la naissance du cyberactivisme au Maroc, celui du lancement du Mouvement Alternatif des Libertés Individuelles (MALI) créé en septembre 2009 par un groupe de jeunes militants marocains défendant les libertés et particulièrement celle de conscience. Le groupe va, par exemple, appeler à un déjeuner public (dans la ville de Mohammedia, à équidistance entre Casablanca et Rabat) durant le mois de ramadan 2010. Ce qui est instructif avec cette initiative, c'est que, malgré sa base sociale très faible, elle a généré un buzz important, non seulement sur le net, mais également dans les médias occidentaux... Il allait récidiver en 2013 en organisant le fameux « kiss-in » devant le Parlement de Rabat, comme nous l'évoquerons plus loin, en protestant contre la menace d'emprisonnement pesant sur un jeune couple d'adolescents de Nador ayant posté sur Facebook la photo de leur baiser.
(...)
Hasna HUSSEIN
Professeure associée à l'Institut des Sciences Politiques, Juridiques et Sociales de l'Université Mundiapolis, Casablanca
Chercheuse associée au Centre Jacques Berque (CNRS3136), Rabat et au Centre Émile Durkheim (UMR5116), Bordeaux.
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