L’exil n’a jamais épargné les intellectuels. Il a même été, au XXe siècle et jusqu’à nos jours, une des conditions habituelles de la vie de l’esprit. Mais s’il force la pensée et la création à s’interrompre, il les amène parfois aussi à s’épanouir ailleurs, voire même à se nourrir de cette situation faite de pertes et de contraintes.
Le cycle de conférences "Parcours d’intellectuels en exil : un humanisme sans frontières" cherche à rendre visible la complexité de ces trajectoires intellectuelles et leur importance tant pour le renouveau de la pensée que pour celui de la démocratie.
Chaque conférence est organisée autour d’un ou plusieurs intellectuels exilés, le plus souvent accueilli à la FMSH ou à l’EHESS. Avec les spécialistes invités à les présenter, ces intellectuels représentent les horizons les plus variés, qu’il s’agisse de leur pays d’origine, de leur discipline de prédilection, de la période et des conditions de leur exil.
Fruit d’une collaboration engagée depuis plus de dix ans fondée sur des valeurs partagées, telles que le soutien à la démocratie et aux droits humains, ce cycle de conférence est organisé à l'initiative d’Álvaro Vasconcelos par la Fondation Calouste Gulbenkian et la Fondation Maison des sciences de l’homme (FMSH).
Programmation mars-juin 2023
Mardi 28 mars | Milan Kundera, un passeur entre deux Europes
Conférencier : Jacques Rupnik
Répondant : Iryna Dmytrichina
Figure du renouveau culturel des années soixante en Tchécoslovaquie, Milan Kundera quitte son pays après l'écrasement du Printemps de Prague et l'instauration de censure et de répression baptisé 'normalisation'. En France, pays qu'il choisit comme terre d'exil et dont il deviendra le citoyen, il connaît le succès littéraire avec des romans écrits en tchèque puis en Français. Avec son célèbre essai "Un occident kidnappé ou la tragédie de l'Europe centrale" paru en 1983 (et réédité en 2022) qui connut un immense retentissement, il contribua à dépasser les frontières idéologico-politiques de l'époque et à refaçonner la carte mentale de l'Europe avant 1989. L'écrivain exilé comme passeur entre deux mondes.
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Mardi 18 avril | Intellectuels français en exil : les implications de l’hospitalité
Conférencier : Joël Roman
Répondant : Vassiliki-Piyi Christopoulou
Durant la guerre de 1939-1945, plusieurs intellectuels Français payèrent de leur vie leur engagement dans la Résistance active (Jean Cavaillès, Marc Bloch, Victor Basch, Maurice Halbwachs, Jean Prévost), d’autres choisirent, volontairement ou non, l’exil. On peut évoquer les noms de Roger Caillois en Argentine, Raymond Aron et Simone Weil en Grande-Bretagne, ou encore Jacques Maritain, Claude Lévi-Strauss, André Breton ou Paul Vignaux aux Etats-Unis, à New York. Si tous se considèrent comme hostiles au nazisme et à l’occupation de la France, ils divergent vite sur l’attitude à avoir envers celui qui émerge progressivement comme une figure capable d’incarner la France Libre, celle du général de Gaulle. On s’interrogera sur la portée de cette expérience de l’exil, qui fut pour la plupart temporaire et n’occasionna pas comme pour de nombreux exilés allemands par exemple, une adhésion à une nouvelle patrie d’adoption.
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Mardi 30 mai | Celso Furtado : un exil académique
Conférencière : Rosa Freire d’Aguiar
Répondant : Glauber Sezerino
Celso Furtado arrive à Paris en 1965, quelques mois après le coup d'État militaire au Brésil. Privé de ses droits politiques et civiques, contraint à abandonner ses fonctions officielles de ministre du Plan et de directeur de l'agence de développement du Nordeste, il entame à Paris une nouvelle vie : celle du professeur universitaire. À la Sorbonne et à d'autres institutions universitaires comme l'IEDES, l'IHEAL et la Maison des sciences de l'homme, il va se dédier pendant vingt ans à former des centaines d'étudiants du monde entier et à écrire sur le Brésil, l'Amérique Latine, le développent, la culture -- des thèmes-phare de son œuvre.
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Mardi 13 juin | L'exil : comme libération et réinvention de l'identité
Conférencier : Lun Zhang
Répondant : à venir
L’un des thèmes culturels et politiques les plus importants de notre temps est le questionnement identitaire, sur l’identité personnelle et aussi l’identité collective. Depuis l’époque moderne, la Chine a entamé une grande transition vers sa modernité, les lettrées, représentant de la vieille civilisation, se sont progressivement transformées en intellectuels, acteur de la modernité. Émaillé des diverses histoires d’exil, partie importante de ce processus difficile et de source souffrances. D’une certaine manière, c’est l’exil qui a libéré les lettrés de leur enferment identitaire et ouvert la porte à l’invention d’une nouvelle identité chinoise individuelle et collective. L’exil est toujours un acte de distanciation, d’éloignement, d’anéantissement, mais il est aussi un événement d’élargissement, d’échange, de renaissance et de réinvention, l’histoire de la civilisation humain nous le montrent bien, la Chine moderne nous le confirme de nos jours.
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Les organisateurs
Depuis sa création, la Maison des sciences de l’homme a œuvré à promouvoir un dialogue constant entre les intellectuels de tous les pays, y compris ceux dont la voix risquait, chez eux, d’être étouffée par les contraintes politiques. Aujourd’hui, la FMSH perpétue cet engagement en faveur des libertés académiques à travers ses programmes de soutien.
Pour les Portugais, la France et Paris furent une terre d’asile pendant les années de la dictature. Ces conférences seront aussi l’occasion pour reconnaître l’importance qu’a eu cette hospitalité dans la reconquête de la démocratie.
Jamais, depuis la seconde guerre mondiale, l’affirmation d’un humanisme sans frontières n’a été aussi urgent. La FMSH et la Fondation Calouste Gulbenkian s’engagent dans ce projet où les expériences d’accueil du passé font écho à l’importance de l’hospitalité aujourd’hui.
[Label 60 ans de la FMSH]
Details
Le Comptoir
1er étage de la FMSH
54 boulevard Raspail, Paris 6