Mohamed Kerrou, maître de conférence, Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis
A propos du livre Hijâb, nouveaux voiles et espaces publics, Cérès éditions, Tunis, 2010.
Avant-propos, par Mohamed Kerrou
L'objet de ce livre est le hijâb, et non pas le voile intégral qui occupe en Europe le devant de la scène politique et médiatique. Certes, le hijâb qui couvre les cheveux et dessine l'ovale du visage n'est pas sans lien avec le voile intégral qui cache le visage en laissant apparaître les yeux (niqâb), ou en interposant une ouverture grillagée permettant de voir sans être vue (burqa). Néanmoins, les deux pratiques vestimentaires diffèrent par leur nature, en raison de la visibilité ou de l'invisibilité du visage, ce «fondement de la société civile» selon le philosophe Michel Serres.
Les deux types de voiles, le hijâb et le voile intégral ou voile facial, ainsi que les débats contemporains incessants autour de ces habits n'ont pas connu une apparition simultanée mais ont émergé successivement, au point que l'un semble aller sans l'autre. Dans le proche avenir, il est possible que «la question du voile» finisse par constituer une seule affaire même si, pour l'heure, la polarisation autour du voile intégral induit une banalisation et un oubli du hijâb.
L'hypothèse de ce livre fut initialement élaborée pour le hijâb – mot générique qualifiant, à l'origine, plusieurs sortes de voiles mais qui a fini par désigner le foulard. En relation avec les débats récents qui ont lieu en Europe et également en Egypte, le voile intégral a été incorporé à l'effort d'analyse en épilogue du texte, et introduit également, en prologue, dans le but d'une meilleure saisie de la configuration d'ensemble. D'autant plus que la problématique adoptée, celle de l'identité et de l'espace public, joue aussi bien pour le hijâb que pour le voile intégral.