Patrimonialisation de la biodiversité et gouvernance des ressources naturelles à la lumière du stress environnemental et sociétal
Séminaire sur les modes de gestion des ressources naturelles dans des configurations environnementales vulnérables
Le séminaire « Patrimonialisation de la biodiversité et gouvernance des ressources naturelles à la lumière du stress environnemental et sociétal est organisé à l'IFRA de Nairobi en relation avec un ensemble de recherches croisant les thèmes du patrimoine de la biodiversité, la création des aires protégées et les questions de gouvernances des ressources naturelles. Organisé autour de « cas d'école », ce séminaire pose la question de la gouvernance des ressources naturelles dans des configurations qui témoignent d'une interdépendance croissante entre les changements climatiques, l'accessibilité aux ressources naturelles et l'évolution des normes internationales en matière de protection de la nature. Il porte plus spécifiquement sur la capacité de sociétés vulnérables à intervenir, voir à gérer des situations de stress qu'elles soient environnementales et/ou sociétales.
Arguments
Le séminaire Patrimonialisation de la biodiversité et gouvernance des ressources naturelles dans des situations de stress environnemental et sociétal est organisé en relation avec un ensemble d'initiatives ayant pour trait le patrimoine de la biodiversité, la création des aires protégées et les questions de gouvernances des ressources naturelles et des territoires.
À la suite des rencontres « Patrimoine, mémoire et politique » de Mombasa visant à évaluer les enjeux scientifiques et politiques du patrimoine en Afrique sub-saharienne (juin 2010, MAE-IRD-FMSH-IFRA), les états des lieux de la recherche sur les patrimonialisations du continent (IFRA, 2010) se multiplient. Depuis l'actualisation du patrimoine colonial dans des modernités africaines (Réseau Asie – pacifique & FMSH) jusqu'à l'exploration de nouvelles approches du patrimoine (Workshop Chorus, Octobre 2010), en passant par les liens existant entre les processus de patrimonialisation, la gestion des ressources naturelles et les modes de gouvernance (Programme Prioritaire Régional de l'IRD, PAREGO) où encore les usages de cette notion dans des recherches fondamentales autant qu'appliquées (Ateliers IFRA, 2011), les réflexions sur les contours du patrimoine témoignent d'un véritable foisonnement.
Les réflexions menées au sein de l'UR « Patrimoines Naturels » (IRD), puis de l'UMR « Patrimoines Locaux » (UMR 208, IRD - MNHN) ont permis depuis plusieurs années de mettre en évidence les enjeux qui se nouent autour de la constitution des patrimoines, en particulier ceux qui sont construits par les populations locales, et de leur utilisation dans le cadre de stratégies territoriales et identitaires du présent. Ces recherches prennent un relief particulier lorsqu'elles concernent des espaces naturels. Étroitement liées aux enjeux de gestion des territoires et de gouvernance des ressources naturelles, elles soulignent la confrontation entre les logiques internationales de la conservation de la biodiversité par la création d'aires protégées et des processus endogènes d'attachement au territoire à travers certains éléments naturels ou à un territoire (Cormier-Salem et al., 2002, 2005).
Dans le contexte de l'East African Community, où le patrimoine est pensé comme un concept lié à des politiques de mise en valeur, ce processus accompagne une volonté visant tantôt à protéger les ressources naturelles essentielles à la survie des communautés, tantôt à impliquer celles-ci dans la gestion des ressources naturelles comme le suggère le modèle des conservancies promu par la National Rangeland Trust (N.R.T). Il peut aussi ouvrir la porte à de véritables pratiques de « land grabbing », comme dans les territoires du Nord Kenya et du sud de l'Ethiopie, lesquelles sont mises en œuvre au nom de la protection et de la gestion des ressources naturelles. Au Kenya, à l'image des enjeux autour de la protection du Delta de la Tana River (UMR 208, IRD), du classement des Kayas Forest (URMIS), ou encore de la réhabilitation des « réserves de biosphère » (projet AFD sur Marsabit), la mise en patrimoine des territoires fait apparaître de nouveaux enjeux de gouvernance des ressources naturelles (IIAC, UMR 81 77 CNRS –EHESS). Établissant des jonctions avec le domaine de recherche que les anglo-saxons désignent sous le terme d'« heritage studies », ces phénomènes invitent à réinterroger les enjeux scientifiques et politiques du patrimoine naturel en Afrique subsaharienne.
À partir de recherches actuelles, le séminaire propose de créer un espace de discussion fondé sur le partage d'expérience, l'échange et la controverse. Réunissant des chercheurs et des experts d'horizons divers, il se propose de décliner diverses facettes des connaissances sur le patrimoine naturel et les aires naturelles protégées et s'adresse à un public composé de chercheurs, d'étudiants et d'agents du développement. En ce sens, il s'inscrit dans le cadre des réflexions engagées au Kenya et au sein de l'East African Community en croisant les modèles de développement des aires protégées, la question de la participation des populations (aires communautaires) et le rôle des politiques du patrimoine. Les interventions font appel à des personnalités reconnues dans les deux domaines d'une part du patrimoine, et d'autre part de l'environnement.
Contextes & terrains
Depuis la mise en œuvre du programme Man and biosphere (UNESCO) au début des années 1980, la préservation et la protection de la biodiversité ont émergé au niveau mondial comme des leviers pour agir sur le contrôle prioritaire des changements environnementaux. Cette attention à la nature conduit à réévaluer la relation entre l'homme et son environnement dans une perspective de « développement durable » et s'accompagne d'un phénomène d'identification et d'inventaire des «réserves » de la biodiversité mondiale dans lequel on peut voir une entreprise sans précédent de reconnaissance de la valeur patrimoniale de la biodiversité.
Si un consensus semble exister sur la nécessité de reconnaître la valeur patrimoniale de la biodiversité locale pour assurer le devenir de certaines sociétés, cette nécessité se traduit principalement par la définition de normes internationales et par l'imposition aux sociétés de nouveaux modes de régulation des ressources naturelles fortement liés au paradigme du « risque ». Ce consensus se fonde ainsi sur un ensemble de notions comme la « vulnérabilité », entendue comme l'exposition des sociétés aux risques environnementaux, la « résilience », c'est-à-dire à la fois la capacité des sociétés à maintenir leur environnement et la capacité des systèmes environnementaux à restaurer un équilibre antérieur, ou encore les capacités de « mitigation ». Dans le même temps, la construction de la valeur patrimoniale d'un site naturel repose très souvent sur nombre d'inconnues (pression anthropique, politiques publiques, reconfigurations géopolitiques) qui, dans un même élan, appellent à un surcroît de connaissances scientifiques et posent la question de la reconnaissance des communautés, voir de la participation des sociétés, dans les processus de valorisation et les modes de gestion des ressources naturelles. Dans ce contexte, le séminaire propose d'examiner comment les politiques de préservation de la biodiversité interagissent ¾et prennent en compte¾ avec les usages multiples des ressources naturelles. Il interroge la possibilité d'identifier des « zones communautaires» (conservancies), promues par les autorités kenyanes dans les formes de gouvernance des ressources naturelles. Il mettra en discussion ces processus pour discuter des constructions sociales de la vulnérabilité.
Le séminaire vise à présenter des travaux de recherches articulant les relations complexes entre nature et culture, le développement économique local et la conservation de la biodiversité, et qui de ce fait décrivent des processus de patrimonialisation de la biodiversité.
Il propose d'exposer et d'interroger les changements environnementaux d'échelle planétaire à partir de configurations exemplaires qui témoignent d'une interdépendance croissante entre les changements climatiques, la disponibilité et l'accessibilité aux ressources naturelles et l'évolution des normes internationales en matière de préservation et de protection de la nature. Organisé autour de « cas d'école », le séminaire pose la question de la gouvernance des ressources naturelles (y compris les forêts et l'eau) dans le contexte précédemment décrit tout en essayant de cerner, plus spécifiquement, la capacité de sociétés vulnérables à intervenir, voir à gérer des situations de stress qu'elles soient environnementales et/ou sociétales. Dans ce cadre, il s'agira de décrire les usages politiques et scientifiques de l'outil patrimonial dans le champ des études environnementales, de mettre à jour et de discuter les modèles et les expériences mobilisant cet outil dans la gouvernance des ressources naturelles.
Thèmes
Le thème principal du séminaire est : « Patrimonialisation de la biodiversité et gouvernance (s) des ressources naturelles à la lumière des situations de stress environnemental et sociétal ». Il s'inscrit dans le cadre d'une réflexion sur les modes de constitution des aires naturelles protégées et vise à interroger le rôle des processus de patrimonialisation dans les enjeux de gouvernance des ressources naturelles dans des contextes de vulnérabilité environnementale. À partir de regards croisés sur la manière dont les sociétés – et les regards scientifiques – ont conceptualisé et conceptualisent toujours les rapports entre sociétés et biodiversité, le séminaire interrogera les différents ressorts qui poussent aujourd'hui certaines sociétés à constituer ou non leur « nature » en patrimoine de la biodiversité. Les interventions s'attacheront en particulier à identifier et à mieux cerner les blocages et les contraintes à la mise en place de tel processus. Il pourra s'agir de mettre à jour la capacité des sociétés à maintenir ou non leur environnement, à négocier leur devenir dans des situations de stress. Il pourra aussi s'agir de prendre en compte autant les échelles de construction des décisions politiques que leurs effets dans les processus de patrimonialisation de la biodiversité. Les « systèmes régions » constitués de bassin versants, de deltas, de réseaux hydrographiques fourniront autant de cas pour articuler les différentes échelles de gouvernance.
Sous thèmes
Les philosophies de la nature et les « environnementalismes » dans la patrimonialisation des ressources naturelles La gestion et le classement des aires naturelles protégées : ambiguïtés et paradoxes du patrimoine naturel. Place des communautés dans la gouvernance des aires naturelles protégées et la préservation de la biodiversité (approche participative, modèle de gestion, conservancies). Patrimoine de la biodiversité, technologies et outils pour la gouvernance des ressources naturelles communautaires.
Modalités de participation
Les propositions d’un maximum de 300 caractères sont à envoyer, sous format.DOC, par courriel, aux organisateurs :
Elles doivent précisément mentionner les appartenances institutionnelles des auteurs. Les évaluations seront retournées pour le 15 novembre 2011.
Lieu : IFRA (21-22 novembre 2011) & School of environmental studies & Department of environmental sciences, Kenyatta University (23 novembre 2011)
Langue de travail : Anglais privilégié, français.
Programme provisoire des sessions
21 novembre 2011 (IFRA Nairobi)
Session I Les cadres épistémologiques, théoriques et conceptuels des recherches liant « patrimoine et biodiversité »
Session II La gestion et le classement des aires naturelles protégées : ambiguïtés et paradoxes du patrimoine naturel.
22 novembre 2011 (IFRA Nairobi)
Session III Place des communautés dans la gouvernance des aires naturelles protégées et la préservation de la biodiversité (Approche participative, Modèle de gestion, conservancies).
23 novembre 2011 (Kenyatta University Nairobi)
Session IV Les outils du patrimoine de la biodiversité et ses outils
Table ronde L’espace numérique et la gestion des ressources naturelles.
Session V La gouvernance des ressources naturelles des systèmes en situation de stress environnemental : une nouvelle configuration du patrimoine naturel ?
Discutants des sessions :
Olivier Hamerlynck, UNESCO (Programme Sciences Naturelles Nairobi) - Marie-Aude Fouere, IFRA Nairobi - Professeur James Kungu, Dean of school of environnemental studies, Kenyatta University - Christian Thibon, Directeur de l’IFRA-Nairobi.
Comité scientifique :
Jean-Pierre Dozon, FMSH-Paris - Benoit Hazard, IIAC, UMR 8177, EHESS-CNRS - James Kungu, Dean of School of Environmental studies, Kenyatta University - Christian Thibon, Directeur de l’IFRA-Nairobi