Frontières et circulations au Moyen-Orient Dynamiques des espaces frontaliers et des circulations transfrontalières
Borders and Circulations in the Middle East Dynamics of Border Spaces and Transborder Circulations
Dimanche 11 décembre 2011, de 10 h 30 à 17 h 30 IFPO-Amman Jabal Amman, entre le 3e et le 4e cercle, rue Abu Firas Al-Hamadani Immeuble 16, en face de l'hôpital Farah.
11h – 12h : Daniel Meier. Les border studies : une problématique interdisciplinaire ? Apports théoriques
12h – 13h : Véronique Bontemps. Le passage de la frontière comme épreuve temporelle. Le temps de traverser le pont Allenby
Repas (13h à 14h30)
14h30 – 15h30 : Didem Daniş. La frontière turco-irakienne entre l’ouverture et la fermeture
15h30 – 16h30 : Cyril Roussel. Les dynamiques de l’espace frontalier nord-irakien : refuge, transit et investissements
16h30 – 17h30 : Philippe Bourmaud. Du « ventre mou » au carrefour : approches de la Jordanie dans le système frontalier moyen-oriental.
Discutant : Jalal Al Husseini
Résumés / abstracts
Véronique Bontemps, anthropologue, IRD, Ifpo Amman (veronek@gmail.com) : Le passage de la frontière comme épreuve temporelle. Le temps de traverser le pont Allenby
Mes recherches portent sur les pratiques de circulation transfrontalières des Palestiniens entre les deux rives du Jourdain (Jordanie et Cisjordanie). Elles s’organisent autour de deux axes : le premier concerne des histoires de familles palestiniennes, réparties entre les deux rives du Jourdain. A partir de monographies de quelques-unes de ces familles transfrontalières, il s’agit de comprendre quels territoires du quotidien, quels réseaux en mouvement sont construits par les circulations, et de saisir les répercussions de ces circulations sur les pratiques et dynamiques familiales. Le deuxième aspect de ma recherche concerne plus directement le dispositif frontalier et les conditions du passage de la frontière au pont Allenby. Cette approche porte sur une ethnographie du passage et constitue le dispositif frontalier, les guichets, les salles d’attente au pont Allenby en lieux anthropologiques. Cette communication se penche sur le passage de la frontière à travers le prisme du rapport aux temporalités. Je m'intéresse, en particulier, à l'expérience de l'attente, de manière à montrer que le régime temporel imposé par les Israéliens aux populations palestiniennes lors du passage du pont Allenby est vécu comme une humiliation et une atteinte à la dignité.
Philippe Bourmaud, historien, Université Lyon III (pbourmaud@free.fr) Du « ventre mou » au carrefour : approches de la Jordanie dans le système frontalier moyen-oriental
Je me propose d'enquêter sur la zone frontalière syro-palestino-transjordanienne, à l'époque où celle-ci était en formation, du temps des mandats. En première approche, il apparaît utile d'aborder les circulations dans cet espace comme tournant autour d'un noeud, entre des territoires différenciés. Cette différenciation tient à la fois à des écarts de niveau de vie et de performances économiques marquées, à des rythmes variés de constitution des dispositifs frontaliers, et aux intérêts divergents des mandataires dont les zones de tutelle se jouxtent, et des gouvernements des Etats en formation placés sous leur contrôle. L'étude des circulations formelles aussi bien qu'informelles (allant des produits de première nécessité, en particulier durant la Seconde guerre mondiale, aux psychoactifs illicites comme le haschisch, et aux armes) permet de faire une histoire de cette frontière et de ses usages avant sa fermeture sur le segment palestinien en 1948.
Didem Daniş, Université de Galatasaray, Istanbul (didemdanis@yahoo.com) La frontière turco-irakienne entre l’ouverture et la fermeture
Depuis la chute du régime de Saddam Hussein en 2003, la frontière turco-irakienne est caractérisée par une croissance significative de la mobilité des personnes et des marchandises. Lors de cette communication, je discuterai du rôle des différents acteurs et systèmes politiques qui ont agit sur la frontière turco-irakienne au cours de la dernière décennie. Un des facteurs significatifs qui a facilité l'intensification des flux entre les deux territoires et donc l'amélioration des relations avec l'Irak, a été la politique de zéro problème de l’AKP avec les pays voisins. Une autre impulsion, contradictoire car visant le renforcement des frontières, a été la pression de l’Union Européenne désireuse de renforcer ses frontières extérieures et son emprise sur la politique migratoire en Turquie. En outre, les facteurs économiques, les relations intergouvernementales et les inquiétudes liées à la sécurité interne jouent des rôles importants sur la gestion de la frontière sud-est de Turquie. Après avoir présenté tous ces éléments, je vais essayer de montrer comment ces différents facteurs interviennent en diverses occasions.
Daniel Meier, sociologue du politique, Université d’Oxford (daniel.meier@graduateinstitute.ch) Les border studies : une problématique interdisciplinaire ? Apports théoriques.
Dans cette communication, j’aimerais faire un état des lieux des apports théoriques des border studies anglo-saxonnes à travers un parcours des disciplines les plus engagées dans ces études. Ce domaine d’étude se caractérise par une lecture de plus en plus marquée par une approche interdisciplinaire. Non pas tant qu’il s’agirait de la constitution d’une supra-discipline mais plutôt que l’objet frontière pousse les chercheurs à trouver des chemins pour ne laisser de côté ni la dimension territoriale de la frontière, ni son aspect relationnel, ni l’intervention des échelons du pouvoir, ni la perspective plus anthropologique relative à l’impact croisé entre frontière et acteurs sociaux qui y vivent, tant sur le plan des pratiques que des représentations. Plusieurs constats s’imposent : d’une part, la majorité des auteurs penchent vers une contestation évidente de l’idée d’une fin des territoires et mettent l’accent sur un processus de rebordering, qu’il soit physique ou virtuel. D’autre part, il nous semble intéressant de noter dans cette littérature l’émergence de la notion de borderland – que l’on pourrait traduire par zone frontalière – en lieu et place de la notion de frontière elle-même.
Cyril Roussel, géographe, Ifpo Amman (cyril.roussel@netcourrier.com) Les dynamiques de l’espace frontalier nord-irakien : refuge, transit et investissements
Dans le cadre de ce programme, je travaille sur les dynamiques des espaces frontaliers. En tant que géographe, j’étudie l’organisation d’espaces qui se structurent à cheval sur une ou des frontières étatiques nationales. Loin d’être des coupures hermétiques, la plupart des frontières des Etats du Moyen-Orient sont le théâtre de reconfigurations socio-spatiales, mais aussi des pratiques sans-cesse renouvelées des migrants et des passeurs. Elles sont aussi les interfaces entre les Etats eux-mêmes : la dynamique et l’épaisseur des espaces frontaliers de part et d’autre des frontières sont généralement dépendantes du contexte politique qui caractérise les relations entre pays voisins. Et dans la région, le contexte politique est en perpétuelle mutation. A partir de l’exemple des frontières du nord de l’Irak et des frontières syro-turques, je chercherai à montrer qu’il existe des espaces particuliers construits autour des frontières ; et des dynamiques propres aux régions frontalières.