Colloque Michel Camau : L'autoritarisme en question et le Printemps arabe
De manière constante, Michel Camau a interrogé les régimes autoritaires dans une optique largement comparatiste. L'autoritarisme demande, en effet, a être considéré – si on veut en comprendre les ressorts – non comme une pathologie mais comme une organisation possédant ses propres caractéristiques. L'idée de « consolidation autoritaire » nous a notamment permis de considérer celles-ci pour elle-même. En effet, un régime autoritaire n'est pas avant tout un régime démocratique dévoyé ou en transition vers autre chose. C'est un régime qui essaye de perdurer en tant que tel, tout en changeant ce qu'il semble nécessaire de changer pour y parvenir. De plus, ce régime n'est pas tant le négatif des régimes démocratiques qu'une forme d'organisation politique s'inscrivant dans le continuum de ce que Michel Camau a appelé : « la globalisation démocratique ». Si l'on considère la Libye de Kadhafi, sans doute voit-on plus de différences que de proximités entre le régime d'alors et les régimes démocratiques – encore que celui-ci se soit inscrit dans les préoccupations sécuritaire de la politique de l'Union européenne en Méditerranée. Mais, si l'on considère l'Egypte ou la Tunisie, il apparaît difficile de se placer uniquement dans le registre des contrastes. Bref, entre l'autoritarisme et la démocratie, il existe à la fois une distribution de similitudes et une irréductibilité de l'un à l'autre : une démocratie autoritaire ne sera jamais simplement une autocratie et une autocratie libérale ne sera jamais une démocratie. Cette manière de poser l'autoritarisme nous permet d'étudier sa singularité sans en exagérer la portée et le contenu. Cela nous permet de comprendre l'autoritarisme pour ce qu'il est empiriquement.
Ce qu'il est convenu d'appeler le Printemps arabe nous amène naturellement à confronter nos analyses de l'autoritarisme avec les faits. Il y a une mauvaise et une bonne manière de le faire. La mauvaise manière consiste à dire que la science politique n'a pas su prédire ce qu'il allait se passer. C'est confondre le travail des sciences sociales avec le travail des cartomanciennes. Nous n'avions pas prédire quoique ce soit, parce que notre rôle n'est pas de prédire mais d'analyser des mécanismes. Pour prédire une crise, il faudrait connaître les accidents et les successions d'action contextuelles qui sont à l'origine de celle-ci. Il ne suffit pas de dire que les conditions nécessaires étaient rassemblées. Une plusieurs voitures et une route sont les conditions nécessaires d'un accident de voiture, ce n'est pas pour autant que l'accident a lieu. Il faut des fautes de conduites qui n'ont lieu que dans le cours de l'action de conduire. Même si l'on fait l'hypothèse que le conducteur est mauvais ou qu'il a bu de l'alcool, ces conditions ne deviennent pas pour autant des causes d'accidents. Elles prédisposent à une erreur de conduite, mais elles ne sont pas l'erreur elle-même. En fait, la science politique et les travaux sur l'autoritarisme sont justifiés, non s'ils permettent de prédire ce qui va avoir lieu, mais s'ils permettent d'expliquer, de manière simple et convaincante, ce qui a eu lieu. Les travaux de Michel Camau paraissent, non seulement à même de passer ce test, mais d'éclairer plus que d'autres les dynamiques en cours.
Nous proposons aux participants au colloque d'utiliser directement certains de ceux-ci ou, plus spécifiquement même, certaines propositions de Michel Camau afin de décrire l'un des aspects des évolutions en cours dans la région. Nous souhaiterions surtout éviter l'aspect rétrospectif que peu prendre un hommage au détriment de l'utilisation de l'œuvre même dans l'analyse effective des phénomènes.
Le colloque, organisé par le Centre Jacques Berque et la Faculté des Sciences juridiques, économiques et sociales d'Aïn Sbaa se tiendra dans la salle de réunion du Centre,
Participants
Amin ALLAL, CHERPA, IEP d'Aix-en-Provence et IREMAM Téléologies révolutionnaires. Problématiques du changement en Tunisie
Mohamed BRAHIMI Professeur à l'Université Mohammed V Rabat-Agdal
Michel CAMAU, Professeur émérite à l'IEP d'Aix-en-Provence
Virginie COLLOMBIER, Chercheur, Programme Postdoctoral Max Weber Institut universitaire européen de Florence
Baudouin DUPRET, Directeur de recherche au CNRS, Directeur du CJB Du constitutionnalisme prospectif au constitutionnalisme structurant: analyse des constitutions à partir de quelques considérations de M. Camau
Jean-Noël FERRIE, Directeur de recherche au CNRS, Directeur adjoint du CJB De la démocratie dans l'autoritarisme et de l'autoritarisme dans la démocratie, où comment éviter le réductionnisme démocratique
Eric GOBE, Chargé de recherche au CNRS, CJB Syndrome autoritaire et profession en Tunisie : les avocats entre tutelle et émancipation
Abdallah LABDAOUI, Professeur à l'Université Hassan II de Mohammedia Président de séance – Discutant
Luis MARTINEZ, Directeur de recherche à la FNSP, CERI Président de séance - Discutant
Abderrahim EL MASLOUHI, Professeur à l'Université Mohammed V Rabat-Agdal Abdallah SAAF, Professeur à l'Université Mohammed V Rabat-Agdal
Frédéric VAIREL, Professeur adjoint, Ecole d'études politiques, Université d'Ottawa Décrire la réforme autoritaire marocaine : discours des acteurs et théorie sociale
Programme
Matinée du 2 février
1ère séance : 9 h 30 – 10 h 30
Ouverture du colloque : Baudouin Dupret, directeur de recherche au CNRS, directeur du CJB
Introduction : Abdallah Labdaoui, professeur, vice-doyen de la Faculté des Sciences juridiques, économiques et sociales d'Aïn Sbaa & Jean-Noël Ferrié, directeur de recherche au CNRS, directeur adjoint du CJB
Les écrits de Michel Camau dans la science politique marocaine Abderrahim Manar Esslimi, professeur à l'Université Mohammed V Rabat-Agdal
Pause : 10 h 30 – 11 h 00
2ème séance : 11 h 00 – 12 h 30
Président de séance : Abdallah Labdaoui, professeur, vice-doyen de la Faculté des Sciences juridiques, économiques et sociales d'Aïn Sbaa
Automne de l'autoritarisme et printemps de la démocratisation Michel Camau, professeur émérite à l'IEP d'Aix-en-Provence
Capacités de réformes et possibilités de changement des systèmes politiques arabes Abdallah Saaf, professeur à l'Université Mohammed V Rabat-Agdal
Du constitutionnalisme prospectif au constitutionnalisme structurant : analyse des constitutions à partir de quelques considérations de M. Camau Baudouin Dupret, directeur de recherche au CNRS, directeur du CJB
12h 00 – 12 h 30 : Discussion
12 h 30 – 14 h 30 : Déjeuner au CJB
Après-midi du 2 février
1ère séance de 14 h 30 à 15 h 45
Président de séance : Mohamed Cherkaoui, directeur de recherche au CNRS, GEMASS, Paris
Penser le changement en contexte autoritaire : considérations sur la dynamique bottom-up Abderrahim El Maslouhi, professeur à l'Université Mohammed V Rabat-Agdal
De la démocratie dans l'autoritarisme et de l'autoritarisme dans la démocratie, ou comment éviter le réductionnisme démocratique Jean-Noël Ferrié, directeur de recherche au CNRS, directeur adjoint du CJB
15 h 15 – 15 h 45 : Discussion
Pause : 15 h 45 – 16 h 15
2ème séance de 16 h 15 à 17 h 30
Président de séance : Abdallah Saaf, professeur à l'Université Mohammed V Rabat-Agdal
Le traitement marocain du Printemps arabe Mohamed Brahimi, professeur à l'Université Mohammed V Rabat-Agdal
Décrire la réforme autoritaire marocaine : discours des acteurs et théorie sociale Frédéric Vairel, professeur adjoint, Ecole d'études politiques, Université d'Ottawa
17 h 00 – 17 h 30 : Discussion
Matinée du 3 février
Séance unique : 10 h 00 – 12 h 15
Président de séance : Luis Martinez, directeur de recherche à la FNSP, CERI, Sciences-Po, Paris
L'Egypte en 2011. Divisions du leadership, transformations sociales et mobilisations multisectorielles : un régime qui ne parvient plus à s'adapter Virginie Collombier, chercheur, Programme Postdoctoral Max Weber, Institut universitaire européen de Florence
Syndrome autoritaire et profession en Tunisie : les avocats entre tutelle et émancipation Eric Gobe, chargé de recherche au CNRS, CJB
Pause : 10 h 45 – 11 h 15
Président de séance : Luis Martinez, directeur de recherche à la FNSP, CERI, Sciences-Po, Paris
Téléologies révolutionnaires. Problématiques du changement en Tunisie Amin Allal, CHERPA, IEP d'Aix-en-Provence et IREMAM