Date de début:
Publié ici :
26 Mars 2012Mis à jour le :
20 Juin 2017Zone géographique:
- Moyen-Orient
Projet SIGMED : Approche spatialisée de l'impact des activités agricoles au Maghreb sur les transports solides et les ressources en eau de grands bassins versants (AUF)
L'un des faits marquant de l'histoire récente du peuplement du Maroc est celui des migrations de populations rurales liées aux sécheresses hydro-climatiques récurrentes. Le mouvement des populations a toujours été favorisé par plusieurs causes dont le potentiel offert par le milieu d'accueil et la raréfaction des ressources hydriques et des terres cultivables dans les régions d'origine. C'est surtout vers les vallées alluviales et les plaines littorales, considérées comme des terres à hauts rendements agricoles, que les migrants se dirigent en priorité. La mise en relation des dynamiques sociodémographiques et des états de surface débouche sur l'évaluation du niveau de pression foncière et l'analyse du risque de dégradation des sols par érosion.
A l'échelle du bassin versant du Bouregreg, les zones d'habitation se sont fortement densifiées, au cours des deux dernières décennies, autour des villes littorales de Rabat et de Salé, puis vers l'intérieur des terres suivant les principaux axes routiers et autour des zones boisées. Par ailleurs, du fait de la saturation foncière dans les grandes villes, les rapports villes et campagnes se sont modifiés à partir des années 1980. On assiste de plus en plus à une densification des campagnes et à la création de nouvelles villes.
Cette dynamique des zones d'habitation se traduit par des transformations souvent radicales des paysages comme le remplacement des espaces boisées par des zones d'habitations ou des cultures annuelles. Ces zones de culture présentent une quasi-absence de végétation durant la période de préparation des sols et de semis. Cette situation est susceptible de rendre les sols dénudés, notamment celles à pentes fortes, vulnérables à l'érosion pluviale notamment à l'occasion d'années particulièrement sèches.
Mais, la question des relations entre la dynamique démographique et l'environnement ne peut se résumer à la simple action de la pression démographique sur les sols. Le nombre croissant d'individus ne peut être retenu comme seul facteur de dégradation du milieu, il s'inscrit dans un système complexe, mettant en œuvre différents facteurs, différents acteurs ; système qu'il faut pouvoir lire à plusieurs échelles spatio-temporelles. La modification même du milieu a une incidence sur les dynamiques sociodémographiques et si l'adaptation peut se faire par migration, elle peut aussi trouver une alternative dans les modifications des comportements démographiques, sociaux, institutionnels et dans l'évolution des conditions techniques d'exploitation.
La vitesse des transformations des paysages et leurs conséquences sur les équilibres environnementaux sont également mal appréhendées et les parts anthropiques et climatiques dans ces changements sont difficiles à individualiser.
Ce séminaire a pour but de présenter :
Le plateau central est passé par plusieurs phases de peuplement dont la principale est celle qui correspond au processus de sédentarisation engagé à partir des premières années du protectorat. Car elle constitue un bouleversement fondamental dans les rapports des populations aux ressources naturelles et par conséquent dans les dynamiques et l'évolution des paysages, ainsi que dans les formes de structuration des territoires. Dans la phase précoloniale, la terre, la forêt et l'eau, sont des ressources dont la gestion reposait sur des principes communautaires qui permettait une structuration des territoires intégrant plusieurs milieux écologiques. La rupture de ce dispositif ethno territorial en finages communautaires, a donné lieu à l'émergence de plusieurs entités spatiales dotées de nouvelles fonctions et soumises à des logiques d'organisation spécifiques, et où ont été recomposées les relations société ressources naturelles. Dans un nouveau contexte environnemental, il s'avère que ces phénomènes de recomposition permettent une lecture plus nuancée des effets de l'action humaine sur des phénomènes naturels, comme la dégradation des terres ou la perturbation des comportements hydrologiques. D'un point de vue essentiellement socio géographique, notre contribution dans ce séminaire comportera une présentation de ces dynamiques socio territoriales à l'échelle de la section amont du bassin du Bouregreg correspondant à la zone du Massif d'Oulmes et ses bordures.
Le bassin versant du Bouregreg connaît des changements importants de son occupation du sol au cours des deux dernières décennies. Ces évolutions sont plus marquées dans la partie aval du bassin, aux conditions hydro-climatiques plus humides. Entre 1987 et 2006, les zones de cultures ont progressé de 15% au détriment des espaces boisés. Dans le même temps les zones d'habitation ont augmenté leurs superficies de 27% en périphérie des anciens pôles urbains, dans les milieux ruraux, le long des voies de communication et dans certains cas à l'intérieur d'espaces boisés protégés comme la forêt de la Mamora. Ces changements d'occupation du sol liés aux activités agro-démographiques affectent la productivité végétale annuelle et saisonnière elle-même tributaire de la variabilité climatique. Dans les zones où des paysages forestiers ont été remplacés par des zones d'habitation, la détection d'un changement brutal de la productivité végétale annuelle permet de distinguer de part et d'autre d'une date de rupture une variabilité paysagère naturelle (liée au climat) de celle associée à l'action de l'homme.
Le bassin versant du Bouregreg, qui fait partie des zones humides du Maroc, connaît une pression agropastorale et urbaine qui influence l’activité de production végétale de ce bassin. Cette pression anthropique se conjugue avec des variations du climat depuis le début des années 1980. L’utilisation de la télédétection à des échelles multiples permet de comprendre à la fois les mutations spatio-temporelles des usages du sol, mais aussi de dégager une dégradation différenciée des espaces agropastoraux. La méthode adoptée pour réaliser cette étude se base, d’une part, sur la statistique descriptive des séries statistiques de production céréalière et d’images d’indice de végétation et de température de surface des capteurs NOAA et MODIS (1982 – 2009), et d’autre part sur l’étude du changement à travers les Systèmes d’Information Géographique (SIG) et l’utilisation d’images LANDSAT et SPOT 5. L’étude analyse aussi les variations spatio-temporelles des conditions de végétation (Vegetation Condition Index) dans l’espace du bassin versant du Bouregreg de 2000 à 2009. Cela, à la fois à partir de transect spatio-temporels, que de l’étude de paramètres statistique de dispersion. Il ressort de ces analyses que l’activité de production végétale est en baisse depuis 1990 dans les régions de production agropastorales ainsi que dans certains îlots forestiers. Cette baisse est notamment remarquée en début et fin de saison culturale.
Dans un contexte où les questions environnementales exacerbent les tensions population/environnement, l'approche des liens de causalité peut se poser de différentes manières. Il est essentiel de replacer les comportements démographiques et de mobilité dans un contexte large pour analyser de manière fine les comportements individuels et familiaux de mobilité au regard des modifications du milieu. Une approche des motifs de mobilité, basée sur un travail d'enquête devrait permettre d'identifier les liens complexes qui se tissent entre les modifications du milieu et les dynamiques de population, l'abandon des terres ou la densification de certains espaces, les changements de structure démographique et de peuplement qui en découlent.
L'ensemble des interactions entre le milieu rural et le milieu urbain et péri-urbain, qu'elles soient démographiques ou environnementales (effluents, déchets, état des nappes phréatiques) ainsi que les conflits d'usage foncier et hydrique, quantitatifs (irrigation vs eau potable) et qualitatifs (qualité de l'eau, par exemple) pourrait constituer une problématique à aborder et envisager de traiter de façon systémique. C'est un angle mort de l'approche binaire et réductrice "rural/urbain", qu'elle soit scientifique ou développementaliste. Cette présentation propose quelques idées pour structurer cette approche.
Deux facteurs sont constamment cités pour expliquer la dégradation des terres : la fragilité des composantes physiques de l'écosystème et la pression anthropique. L'effet négatif des pratiques agro-pastorales sur l'environnement est souvent associé à une transformation des systèmes agraires, imposant de nouveaux rapports aux ressources du territoire. Cet impact anthropique résulterait de la mauvaise gestion des ressources plus que du seul effet de la pression, à un moment où la population est entrain de connaître une régression en terme d'effectif. Cette régression n'est pourtant pas vraie pour le bétail qui, souvent connaît une tendance inverse. Certaines pratiques accentuent la vulnérabilité des terrains et exagèrent les dynamiques hydriques, notamment le ruissellement et l'érosion. L'absence de techniques de stockage et d'utilisation des excès d'eau de pluie accentue ces phénomènes.
On observe un recul de la place qu'occupent les activités traditionnelles, fondées sur les ressources, c'est à dire le système agro-sylvo-pastoral. Ce recul, indirectement lié à la dégradation de certaines ressources elles mêmes (la forêt entre autres), s'explique encore plus par la prééminence d'activités rémunératrices parallèles, capables d'exercer un effet de déstabilisation sur les fondements de l'économie ; intervient ici notamment l'effet de l'émigration et de l'emploi en ville.
Par ailleurs, on note que le profit tiré des activités économiques n'est que partiellement réutilisé dans la région, au profit de la société locale, ce qui explique l'état de sous-équipement et surtout le maintien d'un certain archaïsme de l'activité agricole.
Existe-t-il une convergence possible entre le développement agraire et la gestion efficace et protectrice de l'environnement ? En quoi les populations peuvent profiter des efforts entrepris pour la sauvegarde de l'environnement, par exemple les investissements visant la protection d'une retenue de barrage contre le risque d'envasement ? En quoi le développement agricole et les transformations des systèmes agraires mis en place peuvent aider à résoudre les problèmes environnementaux ?
Une agriculture bien conduite peut avoir indirectement des produits environnementaux importants : elle génère un équilibre des processus physiques et permet donc une gestion efficace et durable des ressources ; elle permet de maîtriser les risques en amont, comme en aval ; elle produit enfin de nouvelles ressources, comme la qualité des paysages bien façonnés, exploitable pour les loisirs. Un équilibre doit donc être trouvé entre la sous-exploitation (abandon, friche, arrêt de l'entretien des ouvrages) et la surexploitation (pollution, dégradation des forêts et des sols). Le maintien de l'activité agricole semble être la clé pour une bonne conservation des espaces naturels, sans que des investissements trop lourds soient nécessaires.
L'action ne peut se concevoir et ne peut avoir d'effet à long terme que si elle prend en compte cette double exigence. Par ailleurs, la conception d'actions de protection des ressources naturelles suppose que soient remplies les conditions de connaissance du système agraire et du contexte social, notamment du savoir paysan en terme d'hydrodynamique et de morpho dynamique, d'utilisation de ce savoir pour l'adaptation des techniques en fonction des processus et d'évaluation des disponibilités pour une participation à une transformation, positive plus soucieuse des mécanismes en action.