Avec le soutien de la Südosteuropa-Gesellschaft (SOG), de l'Europäische Akademie Berlin et de l'Université franco-allemande, en collaboration avec l'Institut d'Histoire de l'Europe du Sud-Est de l'Université Humboldt et du Centre Marc Bloch. Au Centre Marc Bloch, Georg Simmel Saal, Friedrichstr. 191, 10117 Berlin.
La République de Moldavie vient de fêter ses vingt années d'indépendance. Les célébrations, les défilés et les concerts tenus pour l'occasion au centre de Chişinău, la capitale, et des autres grandes villes du pays interviennent toutefois dans le contexte d'une crise profonde. Cette crise est, à première vue, politique et serait causée par l'incapacité des gouvernements qui se sont succédé depuis les élections mouvementées d'avril 2009 à élire un président. Le Parti des Communistes de République de Moldavie, malgré son départ du pouvoir en 2009, demeure un acteur politique de premier plan tandis que les partis qui ont formé la coalition dénommée Alliance pour l'Intégration européenne au pouvoir n'en finissent plus de se déchirer. Toutefois, cette crise, reprise et commentée abondamment dans la presse locale, est symptomatique d'une crise plus large, une crise profonde sur laquelle se penche la journée d'étude proposée. Cette crise est tout d'abord identitaire. En effet, la définition de l'identité des Moldaves, de leur histoire et de leur lien au passé demeure contestée. Partagée historiquement entre l'Empire ottoman, l'Empire des Tsars, la Grande Roumanie ou l'Union soviétique, territoire de migration et d'émigration, la Moldavie et ses populations ont subi des politiques nationales aux résultats contradictoires, conçues dans des capitales parfois lointaines, qui empêchent aujourd'hui la définition d'un projet national clair. Ainsi, dans ce nouvel Etat qui a toujours été auparavant une province ou une périphérie d'ensembles étatiques plus grand, la question de la « nation » se pose âprement. La majorité roumanophone de la population se définit tantôt comme « moldave », principalement dans le cas des personnes les plus âgées et principalement dans les campagnes, tantôt comme « roumaine », principalement dans le cas des personnes les plus jeunes et les plus éduquées et principalement dans les grandes villes du pays. Parallèlement, la place des nombreuses minorités du pays est encore mal arrêtée, partagées entre l'identification à la nouvelle patrie et le maintien d'une position sociale autrefois privilégiée. Sur ces bases, le Parti des Communistes proclame l'appartenance de la majorité à une nation inclusive, une « maison commune moldave » ouverte aux minorités, tandis que les nouveaux partis au pouvoir sont supposés renverser cette vision en prônant l'appartenance ethnique des Moldaves à la nation roumaine et ignorant les minorités. Cette hésitation intérieure entre deux « nations » se reflète dans les relations internationales de la Moldavie. Alors que tous les acteurs politiques en présence prônent depuis le milieu des années 2000 un rapprochement du pays avec l'Union européenne, le Parti des Communistes y a ajouté un partenariat stratégique avec la Fédération de Russie, critiqué durement par les partis actuellement au pouvoir. Les nouvelles autorités moldaves doivent toutefois composer, dans un contexte de forte dépendance économique et énergétique, à l'égard du géant russe, qui possède par ailleurs certaines des clefs de résolution du conflit entraîné par la sécession de la Transnistrie, conflit gelé depuis les années 1990 et qui a grevé la transition moldave. La crise est aussi économique et sociale. La transition économique et démocratique entamée à l'indépendance en 1991 ne semble pas être achevée aujourd'hui, connaissant rebonds et retours en arrière tout au long des vingt années d'indépendance. Les indicateurs de pauvreté atteignent les niveaux les plus bas d'Europe sur fond d'émigration massive, de fortes disparités économiques régionales entre la capitale et le reste du pays, et d'une corruption présente à tous les échelons de la société. Toutefois, la question identitaire semble occuper le seul devant du débat public, constituant le seul enjeu des luttes partisanes quand les réformes tardent à être mises en place et à apporter des résultats tangibles. Ainsi, la focalisation du débat sur cette question semble en décalage avec l'urgence des enjeux économiques et sociaux et semble indiquer l'impuissance des autorités à y faire face. Dans ce contexte, alors que les partis politiques surfent sur la vague des « révolutions » multiples qu'aurait connues le pays, usant et abusant du terme pour fonder leur légitimité, de nouveaux espaces de discussion apparaissent, de nouveaux acteurs jusque là silencieux émergent dans l'espace public. La contestation du politique prend alors de nouvelles formes : flash-mobs en tout genre, satires théâtrales aux titres éloquents et courts-métrages iconoclastes, par exemple. La vie culturelle se fait bouillonnante, du moins à Chişinău, et semble autoriser une nouvelle manière d'exister dans le marasme ambiant. Partant de cette crise aux aspects multiples, les organisateurs proposent d'interroger la République de Moldavie d'aujourd'hui dans ses dimensions politique, identitaire, sociale et culturelle. Les travaux présentés et discutés lors de cette journée d'études peuvent porter sur les thèmes suivants : - Identité, nation et appartenance ethnique aujourd'hui en Moldavie - Relations actuelles entre la Moldavie et la Roumanie, l'Union européenne, l'Ukraine et la Russie - Transition démocratique, économique et sociale inachevée - Nouvelles formes de participation et de contestation et développement de la vie culturelle dans le pays.
Programme
9h-9h15 Ouverture de la Journée d'Etudes Julien Danero Iglesias – Université libre de Bruxelles Djordje Tomic - Humboldt-Universität zu Berlin 9h15-11h15 Panel 1 : Processus politiques dans un nouvel Etat indépendant Présidente : Denis Thouard – Centre Marc Bloch Discutant : Djordje Tomic - Humboldt-Universität zu Berlin Igor Casu – Universitea de Stat din Moldova The Republic of Moldova from Perestroika to Independence : Change in Governement and Elites' Reproduction Snejana Sulima – Universitatea « Al.I. Cuza », Iaşi La réforme électorale – clé de lecture de la transition démocratique en Moldavie Dragoş Dragoman – Universitatea « Lucian Blaga », Sibiu La Moldavie, entre Est et Ouest, passé et futur. Comment les citoyens voient la transition et le soutien politique à une démocratie (incomplète) Iulia Modiga – Universitatea din Bucureşti Les manifestations d'avril 2009 Mondes et drames sociaux dans un contexte post-électoral
11h15-11h30 Pause-café
11h30-13h30 Panel 2 : Questions identitaires Président : Beatrice Von Hirschhausen – Centre Marc Bloch Discutant : Christoffer Störup – University of Copenhaguen Wim Van Meurs – Radboud Universiteit Nijmegen Die moldauische Nation – eine erfolgreiche Inszenierung Andrei Cusco – Universitatea Pedagogica de Stat « Ion Creanga », Chisinau Memory politics in independent Moldova George Enache - Universitatea « Dunărea de Jos », Galaţi Cristian Căldăraru - Muzeul de Istorie Galaţi La « Sainte-Russie » et le problème identitaire des habitants de la République de Moldavie après 1991 Aurelia Felea - Universitatea Liberă Internaţională din Moldova, Chisinau Moldovan perceptions about religious minorities
13h30-14h30 Pause-déjeuner
14h30-16h30 Panel 3 : La Moldavie et l'extérieur Président : Hannes Grandits – Humboldt-Universität zu Berlin Discutants : Julien Danero Iglesias - Université libre de Bruxelles
Eva Posch – SOEGA – Karl-Franzens-Universität Graz Aktuelle touristische Historiographie aus der Republik Moldau. Identitäts-, Raum- und Geschichtskonzeptionen rund um Stefan cel Mare und das Fürstentum Moldau Ruxandra Ivan – Universitatea din Bucureşti « Nos frères d'outre Prut »: les tourments des relations politiques entre la Roumanie et la République de Moldavie Alexandru Muraru - Universitatea « Al.I. Cuza », Iaşi Visul european sau visul românesc? Problema integrării europene a Republicii Moldova în discursurile şi practicile politice ale partidelor şi liderilor români după 2007: orientări, acţiuni, consecinţe Elsa Tulmets - Marie Curie Fellow CERI / Sciences Po Laure Delcour - ENA Strasbourg La Moldavie et la politique de voisinage de l´Union européenne : quel partenariat ?
16h30-16h45 Pause-café
16h45-17h15 Conclusions Petru Negura – Universitatea Pedagogică de Stat « Ion Creangă