"La privatisation de l'enseignement supérieur en Turquie et la recomposistion des élites intellectuelles, 1980-2010" Murat Yılmaz, doctorant IHEID de Genève avec Demet Lüküslü, Université de Yeditepe
Mon travail de thèse s’intéresse à l’impact de la privatisation de l’enseignement supérieur sur les élites intellectuelles turques. Il part de l’hypothèse selon laquelle, suite au coup d’Etat de 1980, le régime militaire soutenu par les milieux de droite a autorisé dans le contexte ultranationaliste et économiquement ultralibéral des années 1980 la privatisation de l’enseignement supérieur dans le but de garantir la reproduction d’une élite au cours d’un processus écartant tout risque de politisation à gauche. En effet, la politisation et la radicalisation des universités durant les décennies 1960 et 1980, avaient sérieusement compromis les chances de l’Etat de reproduire dans la durée les élites nationalistes, conservatrices et compétentes dont il avait besoin.
La privatisation de l’enseignement supérieur, conçue comme un remède à ce « mal », allait d’ailleurs de pair avec la mainmise totale de pouvoir sur l’ensemble des universités par le biais du YÖK (Yüksek Öğretim Kurulu), le Conseil de l’enseignement Supérieur. D’après ma deuxième hypothèse, l’Etat n’a cependant pas pu réaliser ce projet de manière satisfaisante en ce sens où la privatisation n’a pas donné naissance à un processus d’homogénéisation intellectuelle (et partant technocratique et bureaucratique) que l’Etat voulait à tout prix imposer. Au contraire, elle a favorisé l’hétérogénéisation des élites intellectuelles turques, notamment par le biais deux de universités privées, Bilgi et Sabanci, qui depuis une dizaine d’années développent une forme de dissidence intellectuelle.