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Date de fin:
Publié ici :
26 Août 2014Mis à jour le :
22 Juin 2017Zone géographique:
- Moyen-Orient
PRODUCTIONS ET CIRCULATIONS TRANSNATIONALES DES BIENS MEDIATIQUES DANS LES MONDES ARABES ET MUSULMANS
Les exemples de l'information journalistique, des programmes télévisés et des films de cinéma
Ce colloque coordonné par des membres du Centre Jacques Berque (CJB, Rabat) et l'Institut français d'études anatoliennes (IFEA, Istanbul) se propose d'analyser les productions et les circulations transnationales des biens médiatiques dans les mondes arabes et musulmans en vue de structurer un réseau de chercheurs sur ce thème. Les terrains privilégiés par les membres de l'équipe sont des productions médiatiques populaires (au double sens du terme), c'est-à-dire l'information produite par les journalistes, les programmes télévisés et les films de cinéma. Le colloque, qui a reçu une dotation importance du GIS Moyen-Orient et Mondes Musulmans, donnera lieu à une publication CJB-IFEA.
Ce projet est né d’une triple insatisfaction. Tout d’abord, en dépit de l’importance des transformations affectant les médias dans les mondes arabes et musulmans, ce domaine reste peu traité par les sciences humaines et sociales. Alors que, dans les années 1960- 1970, des chercheurs en SHS avaient investi des terrains sur les biens culturels populaires, notamment parce que les débats « Nord/Sud » autour du Nouvel ordre mondial de l’information et de la communication étaient très prégnants, ces zones d’observation ont été progressivement délaissées. Depuis lors, la fin de la guerre froide, les bouleversements géopolitiques incarnés par les effets des attentats du 11 septembre 2001, l’installation durable d’un parti islamo-conservateur en Turquie au début des années 2000, l’alternance politique dans plusieurs pays arabes depuis 2011 ainsi que, bien évidemment, la présence croissante de la Turquie et des pays du Golfe dans l’économie des pays arabes et musulmans ont favorisé la restructuration des marchés des biens culturels populaires dans ces zones de production et de diffusion. Les positions des différents pays sur les différents marchés internationaux des produits médiatiques, qu’il s’agisse de l’information internationale produite par les journalistes, des séries télévisées de grande diffusion et des films de cinéma, ont été profondément bouleversées. Par exemple, l’émergence des pays du Golfe, et tout particulièrement du Qatar avec le développement des déclinaisons en langues anglaise et arabe des chaînes du groupe Al-Jazeera, ont contribué à la création d’un nouveau pôle dans les fractions dominantes de l’espace journalistique international, voire de certains univers journalistiques nationaux. Il en va de même pour les différentes chaînes plurilingues des groupes de communication des pays du Golfe ou de la Turquie, qui ont une présence croissante, voire dominante dans certaines zones et thématiques (les séries, les programmes pour enfants, le sport-spectacle, les documentaires), entrant en concurrence non seulement avec les Etats-Unis, quelques grands pays européens et sud-américains, mais aussi l’Inde. C’est pourquoi, ce projet se propose de favoriser un renforcement des études en SHS portant sur les productions et les circulations des biens médiatiques dans un périmètre allant du Maghreb à l’Inde.
D’autre part, l’insatisfaction tient aussi à la grande dispersion géographique et disciplinaire des recherches à ce sujet. Si des échanges existent sous différentes formes depuis de nombreuses années, l’originalité de ce projet tient, d’une part, à la volonté de favoriser des transferts transdisciplinaires très larges (études arabes, histoire, géographie, sciences du langage, sciences de l’information et de la communication, science politique et sociologie). Pour ne citer qu’un exemple, les chercheurs réunis dans ce programme s’appuieront sur des pratiques de travail très différentes, ce qui permet de traiter toutes les phases des processus de production, de diffusion et d’appropriation de ces biens culturels grand public. Ainsi, certains mobilisent davantage les entretiens, les observations tandis que d’autres réalisent plus souvent des analyses de corpus, d’archives, etc.
D’autre part, il s’agit de faire dialoguer des travaux portant sur des aires culturelles différentes (mondes arabes, indiens, iraniens, turcs) en prenant en compte leur diversité nationale (Inde, Iran, Maroc, Qatar, Syrie, Tunisie, Turquie, etc.). C’est pourquoi, les UMIFRE, notamment le CJB et l’IFEA d’Istanbul, peuvent jouer un rôle actif dans la structuration d’un réseau international des chercheurs en sciences sociales travaillant sur les médias dans les mondes arabes et musulmans, tout particulièrement sur les processus de production et de circulation transnationales. Il s’agit ici, dans un premier temps, de rassembler au travers d’un colloque des chercheurs statutaires et des jeunes doctorants ou post-doctorants appartenant à l’espace francophone avant de penser à élargir et structurer davantage ce projet pour déposer une réponse à un appel d’offres en vue d’une recherche collective. C’est pourquoi, ce projet rassemble pour l’instant des collègues impliqués dans plusieurs UMIFRE (CEDEJ, CJB, IFEA Istanbul, IFPO, IFRI, IRMC), des laboratoires rattachés à plusieurs établissements d’enseignement supérieur en France (EHESS, IEP Aix-en-Provence et Rennes, Universités d’Aix-Marseille, Clermont-Ferrand, Lyon 2, Paris 1, Paris 8, Paris 13, Toulouse 2) et dans des structures de formation et de recherche d’autres pays du bassin méditerranéen (Ecole HEM à Rabat, Université Galatasaray à Istanbul, Université Hassan 2 à Casablanca, Université de la Manouba à Tunis).
Enfin, la troisième insatisfaction provient du fait que, si la question de la globalisation culturelle fait l’objet d’un nombre croissant de travaux de recherches en sciences humaines et sociales, elle est le plus souvent appréhendée en France, en Europe comme aux Etats-Unis à partir des produits culturels jugés les plus légitimes. Il en va ainsi par exemple des études rattachées aux translation studies rendant compte des échanges linguistiques entre les espaces nationaux ou des recherches sur les transferts internationaux des savoirs scientifiques et universitaires par exemple. De même, si la littérature naissante sur le rôle joué ou non par les nouveaux outils multimédias dans les mouvements populaires récents de plusieurs pays arabes et musulmans est à juste titre très importante, leur audience reste encore très faible par rapport aux chaînes de télévision par exemple. Ce programme entend donc décaler le regard vers les échanges culturels de biens plus populaires, au sens où ils touchent des publics très larges et/ou des milieux sociaux faiblement dotés en capitaux économiques et culturels. C’est précisément pour cette raison que les univers médiatiques nationaux et internationaux sont des lieux stratégiques parce qu’ils sont au centre d’enjeux symboliques et matériels d’ordre économique, politique, médiatique, religieux, social, etc.
Parmi les entrées possibles sur ce vaste objet, quatre apparaissent essentielles en combinant plusieurs échelles sociales et spatiales. La première cherche à cerner quelques enjeux des processus contemporains de transnationalisation de la production et de la diffusion des biens et pratiques médiatiques à partir de la transnationalisation de l’« actualité » journalistique à destination des mondes arabes et musulmans. Les chercheurs réunis dans cette table ronde s’appuieront sur des études de cas visant à dégager les principes des oppositions politiques, religieuses, économiques, culturelles, professionnelles, etc., qui se jouent à travers la circulation transnationale de l’information grand public et des pratiques professionnelles sur ces zones. Par exemple, ces logiques transnationales seront traitées à travers les nouvelles formes de « journalisme citoyen » au Proche-Orient, les concurrences entre chaînes de télévision à propos de la guerre actuelle en Syrie, l’actualité plus ordinaire produite sur le Maroc par les médias des mondes arabes et musulmans, etc.
Le deuxième volet prolonge cette étude des enjeux en analysant les dimensions plus régionales de ces mécanismes de transnationalisation. En effet, ces modes de circulations tiennent à l’histoire des relations entre les espaces nationaux mais ils ont été démultipliés par l’explosion de l’offre de supports médiatiques et les transformations géopolitiques contemporaines. C’est pourquoi, les conditions sociales, politiques et économiques de l’émergence massive de l’import-export des séries turques, qui captent depuis plusieurs années les plus grandes audiences des télévisions nationales et transnationales diffusées dans de nombreux pays musulmans, les oppositions existant entre les feuilletons religieux, la diffusion croissante du cinéma indien au Moyen-Orient ou l’analyse de politiques publiques en matière audiovisuelle (ici celles de l’Union européenne et de la France) dans ces zones seront des terrains particulièrement féconds pour saisir ces circulations régionales.
Le troisième axe permet d’appréhender les enjeux des processus de transnationalisation à travers leurs effets sur les espaces nationaux. Là encore, à partir de l’analyse de programmes télévisés (débats politiques, feuilletons et films) en Iran, au Maroc et en Tunisie, l’objectif de voir comment et pourquoi des logiques transnationales sont réfractées par les espaces médiatiques nationaux. Cette interrogation portera également sur d’autres terrains plus liés aux professionnels du journalisme, qu’il s’agisse de l’étude de l’injonction internationale à la « diversité » dans les médias marocains, de la redéfinition du rôle de la « télévision publique » tunisienne dans un contexte de transition ou de la construction d’un « modèle turc » en matière de journalisme.
Un quatrième axe s’attache spécifiquement aux productions des images et à leur circulation comme rouages d’un processus véridictionnel dans des pays en situations de conflit et de post-conflit, c’est-à-dire des configurations particulièrement propices à la production de récits concurrents sur l’interprétation des événements. Du soulèvement post électoral contre la réélection du Président Mahmoud Ahmadinejad en 2009 aux révoltes du monde arabe, ce phénomène s’est amplifié. Avec les techniques numériques, de nouvelles formes de prise de parole et d’activisme se déploient de façon accrue dessinant les contours d’un nouveau « mediascape » qu’il s’agit d’étudier en interrogeant la fabrique, la circulation et la réception de ces images ainsi que les formes narratives qu’elles déploient. Cet axe interrogera les pratiques d’utilisation de l’image comme témoignage et archive, voire preuve pour le futur. Il examinera aussi les différents types d’agencement à l’œuvre entre monstration des faits, dispositifs de conviction et rhétorique militante ou combattante. Il mettra enfin en question les logiques télévisées à l’œuvre dans la production de reportages développant une rhétorique de la preuve. Cet axe fera intervenir des professionnels de l’image, en les interrogeant sur leur pratique et les contraintes auxquelles ils doivent faire face.
8h45 Accueil des participants
Matin
Pause
Driss Ksikes (CESEM, Rabat) et Dominique Marchetti (CJB, CNRS) : La production et la diffusion de l’information internationale dans les médias des mondes arabes et musulmans. L’exemple des correspondants des médias étrangers au Maroc ;
Pause déjeuner
Après-midi
Pause
16h55-17h25
Discutant : Julien Duval (CESSP, CNRS, Paris).
20 h : projection-débat autour du film de Malek Bensmaïl « La Chine est encore loin »
Organisation : CJB-CESEM
Animation : Cécile Boëx et Driss Ksikes
Lieu : salle Gérard Philippe à l’Institut français de Rabat
Matin
Pause
Pause déjeuner
Après-midi
15h05-15h30
Discussion animée par Baudoin Dupret
Pause
16h55-17h30 Discussion