Séance du séminaire Mers ottomanes, de la Méditerranée à l'Océan indien avec Jean-Marc Besse (CNRS, Paris) et Ségolène Débarre (Université Paris 1).
Dans le cadre de la préparation de l'exposition « Entre trois mers : cartographie française et ottomane des Dardanelles et du Bosphore (XVIIe-XIXe s) », cette présentation analysera l'investissement spécifique de la France dans la cartographie des détroits turcs au moment de la guerre de Crimée (1853-1856). Dans la continuité des missions topographiques conduites en Grèce (1829-1831) et en Algérie (1839-1842), la France chargea des officiers du Génie de lever une carte au 1/50 000 de la péninsule de Gallipoli entre 1854 et 1856. Ce travail, repris à l'époque par l'Ordnance Survey britannique, fit référence jusqu'à la Première Guerre mondiale – nonobstant les approximations et inexactitudes qu'il comportait. Fondée sur les archives du Service historique de la Défense de Vincennes et de la Bibliothèque nationale de France, la présentation se centrera sur les objectifs et les conditions de réalisation des cartes sur le terrain, ainsi que sur la circulation des cartes entre les différentes Puissances. Elle s'intéressera aussi à l'engouement cartographique que la guerre de Crimée fit naître dans les presses occidentales, française et britannique principalement, un engouement rendu possible par l'amélioration des procédés de gravure et d'impression des documents cartographiques. Ces nouvelles possibilités techniques conjuguées au désir du lectorat européen de suivre un conflit lointain suscitèrent une démultiplication des représentations des théâtres d'opération, en particulier des détroits, et encouragèrent une recherche formelle sur les styles de représentations (vues zénithales, perspectives cavalières, etc.). L'expérience cartographique de la guerre de Crimée fut donc à bien des égards un tournant et une matrice pour le premier conflit mondial.