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Date de publication:
Publié ici :
16 Novembre 2020Mis à jour le :
20 Novembre 2020Langue de publication:
- Anglais
Zone géographique:
- Afrique
Bulletin de vote montrant les candidats à la présidentielle zanzibari avec une croix rouge dans la case du candidat d’Act-Wazalendo, Seif Sharif Hamad, précédé du titre “Le choix des Zanzibaris”, Jaws Corner, Stone Town, 30 novembre 2020 @ Fouéré
Marie-Aude FOUÉRÉ, “Zanzibar, Élections 2020: Stratégie de l’écrasement et de la terreur.” Mambo! Vol. XVII (6), 2020
Depuis la naissance de la République Unie de Tanzanie en 1964 et le retour du multipartisme en 1992, aucune élection générale à Zanzibar n’avait connu un tel niveau d’intimidation brutale des électeurs par les forces de l’ordre, de violence physique envers l’opposition et de fraude flagrante que celles qui viennent de se tenir au mois d’octobre 2020[1]. Cet essai vise à expliquer les raisons de cette répression généralisée au regard de la place de Zanzibar au sein de la Tanzanie, des revendications de l’opposition et de la nature du régime tanzanien, à savoir un régime qui, de facto, reste un État-parti[2], emmené depuis 2015 par un président de la République Unie de Tanzanie dont l’autoritarisme va croissant, John Pombe Magufuli[3]. Il fournit un ensemble de données de première main sur les pratiques d’intimidation, sur la violence brutale exercée et sur les techniques de fraude qui, à Zanzibar, ont permis au parti dominant, le Chama Cha Mapinduzi (CCM, Parti de la Révolution), d’assurer sa propre succession en remportant la majeure partie des postes de députés et de représentants. Ces stratégies ont aussi permis au nouveau président de Zanzibar, Hussein Ali Mwinyi, un homme peu populaire, d’être déclaré victorieux avec un peu plus de 76 % des voix – un record en comparaison de toutes les élections antérieures marquées par des scores serrés à la présidentielle[4]. Avec une majorité écrasante au Parlement de la République Unie de Tanzanie et à la Chambre des Représentants de Zanzibar, le CCM est assuré de gouverner sans entraves à Zanzibar pendant les cinq prochaines années, ceci même si le parti d’opposition ACT-Wazalendo[5] (Alliance for Change and Transparency – Wazalendo, wazalendo signifiant patriotes en swahili) – et la communauté internationale – contestent l’idée que le scrutin aurait été libre et transparent.
Si, en 2015, nous parlions déjà d’une « reprise en main autoritaire » par l’intimidation, la violence et la fraude[6], il semble que 2020 était destiné à assurer l’écrasement total de l’opposition et, à travers lui, de toute remise à plat des termes de l’Union[7] qui pourrait mettre en péril la République Unie de Tanzanie en accordant une plus grande autonomie politique et institutionnelle à Zanzibar, voire son indépendance. Jusqu’en 2010, l’opposition à Zanzibar n’appelait pas tant à sortir de l’Union qu’à rééquilibrer un accord d’Union qui, dans l’état actuel, contribue à l’empiétement de la République tanzanienne sur les prérogatives de Zanzibar et à sa marginalisation économique de facto. Mais les tensions incessantes au sein de l’Union et l’échec du processus de révision de la Constitution de la République Unie de Tanzanie en 2010, où était débattue la mise en place d’un système fédéral à deux ou trois gouvernements qui aurait octroyé à Zanzibar une plus grande indépendance et une meilleure capacité de décision, ont favorisé la radicalisation du sentiment national insulaire et l’activisme d’un mouvement autonomiste[8]. C’est la même pomme de discorde qui se répète depuis 1995[9], par-delà les appels à l’alternance : la degré de souveraineté de Zanzibar. En juillet 2018, Magufuli avait déclaré sans ambages : « le CCM gouvernera pour toujours, pour l’éternité »[10], laissant présager que tout serait fait pour que Zanzibar ne passe pas à l’opposition. Minant tout débat de fond, la répression alarmante qui s’observe fait peser un climat de terreur dans un archipel qui aspire à vivre en paix.
Le mardi 27 octobre, à 7h30 du matin, Seif Sharif Hamad – le leader historique de l’opposition à Zanzibar et candidat à la présidence pour la sixième fois[11] – se rend au bureau de vote de Garagara dans la circonscription de Mtoni où il réside, à quelques kilomètres au nord de Zanzibar Town, la capitale de l’archipel. L’armée et la police y sont déployées en masse, empêchant d’abord Hamad d’entrer dans le bureau pour finalement l’arrêter et l’emmener au poste de Ziwani, siège de la police, d’où il ne ressortira avec son avocat qu’en fin de journée. Depuis deux jours, Hamad déclarait dans des meetings publics et des conférences de presse qu’il se déplacerait ce jour-là pour aller voter, alors que les Zanzibaris n’étaient pourtant appelés aux urnes que le mercredi 28 octobre : seuls votaient, en ce 27 octobre, l’armée, la police, certaines forces spéciales (comme la Garde-côtes) et le personnel électoral. La Zanzibar Electoral Commission (ZEC) avait en effet déclaré que tous les agents en exercice le jour des élections devaient pouvoir exercer leur droit de vote, instaurant pour cela une journée spéciale, appelée en swahili kura ya mapema (le scrutin anticipé), un jour avant le scrutin général. Hamad ayant également appelé tous les Zanzibaris à se déplacer pour observer si ce scrutin spécial se tenait en bonne et due forme, l’armée et la police avaient été mobilisées autour des bureaux de vote afin de prévenir toute présence d’électeurs non autorisés. À Garagara, une douzaine de camions militaires remplis de soldats encerclaient la zone, des gaz lacrymogènes étaient tirés pour empêcher les rassemblements et plusieurs individus restés à proximité ont été malmenés, certains même violemment battus. Présente sur les lieux, Ania témoigne avoir vu un jeune homme menotté à terre et sévèrement battu par cinq policiers, tandis que d’autres policiers fouillaient les maisons voisines et en sortaient de force les habitants pour les rudoyer. Les journalistes et correspondants des médias de Zanzibar, empêchés de prendre de photos, ont rapidement quitté la zone, craignant d’être pris pour cible par les forces de sécurité.
Pourquoi Hamad s’est-il rendu au bureau de vote de Garagara alors que ce n’était pas pour lui le jour du scrutin ? Pourquoi a-t-il été écarté avec une telle démonstration de force ? Pourquoi des citoyens ordinaires ont-ils été malmenés et frappés ? Comment expliquer que de telles actions de brutalité ont continué jusqu’après l’annonce des résultats des élections, le jeudi 29 octobre, et encore les jours suivants ? Les craintes d’Hamad d’une tricherie à grande échelle, en ce jour de scrutin anticipé, s’expliquent par la loyauté des forces de l’ordre au régime en place et par une histoire de fraude électorale avérée in Zanzibar, organisée par l’État-parti, qui vole à l’opposition sa victoire[12]. La pratique de faire voter des individus – soldats et policiers compris – dépêchés à Zanzibar depuis la Tanzanie continentale uniquement au moment des élections a été documentée lors des précédentes élections. Ces électeurs irréguliers inscrits illégalement par la ZEC sur les listes électorales – bien que la commission électorale démente ces accusations – votent en bloc pour le parti au pouvoir. Selon les partisans du CCM, organiser un vote anticipé des forces de l’ordre, qui incluent de nombreux militaires transférés en masse à Zanzibar depuis le continent pendant la période électorale uniquement, permet de maintenir « l’ordre et la paix » (amani na utulivu) – le slogan du régime – et assurer un déroulement régulier des élections. Mais pour les partisans de l’opposition, et selon toute vraisemblance au vu de l’histoire électorale zanzibari, il s’agit d’un moyen pour truquer les résultats électoraux et rendre possible la victoire du CCM. Comme personne, même les journalistes, n’était autorisé à observer de près cette journée de vote et à rendre compte de la façon dont le scrutin se déroulait réellement dans les bureaux de vote, les craintes étaient grandes d’un bourrage des urnes destiné à assurer la victoire du CCM. Le fait que les bureaux de vote étaient gardés par 10 à 20 soldats armés, comme nous avons pu le voir nous-mêmes par exemple devant l’école Haile Selassie à la proche périphérie de Stone Town ou à l’école de Raha Leo, suscitait encore plus de suspicion, tandis que des agents électoraux d’ACT-Wazalendo, témoignant de votes multiples et de bulletins pré-remplis en faveur du CCM, ont été sortis de plusieurs bureaux et empêchés d’observer ce qui s’y déroulait.
Pour l’opposition, ce scrutin anticipé n’était donc qu’une nouvelle ruse du régime en place pour gagner les élections par la fraude. Ceci était d’autant plus nécessaire, en cette année 2020, que malgré l’impression donnée par la foule importante présente aux meetings de la campagne du CCM, le parti au pouvoir à Zanzibar, s’il a des supporters, est vacillants. Le candidat à la présidence, Hussein Ali Mwinyi – le fils de l’un des anciens présidents de la République Unie de Tanzanie, Ali Hassan Mwinyi – était un second choix même au sein de l’élite du CCM de Zanzibar. Celle-ci préférait un homme politique localement renommé, Khalid Salum Mohamed, représentant de la circonscription de Donge depuis 2016[13].
En second lieu, à chaque nouvelle élection se déploie tout un ensemble de manigances qui empêchent le scrutin zanzibari d’être régulier (Makulilo 2011). Les rapports des observateurs nationaux et internationaux et les analyses des chercheurs éclairent, pour 2010 et 2015, certaines des stratégies de l’État-parti pour biaiser le vote : redécoupage des circonscriptions électorales, entraves à l’inscription sur les listes électorales et manipulation de ces listes, bureaux de vote vandalisés, bourrage d’urne la veille ou le jour du vote, pots-de-vin, votes multiples par un même électeur, résultats des décomptes par bureau truqués, manipulation des résultats finaux…. Cette année 2020, des stratégies similaires ont été documentées par ACT-Wazalendo à Zanzibar, qui traque les irrégularités et les annonce publiquement dans des conférences de presse et sur ses médias sociaux, preuves à l’appui, afin de faire pression sur le gouvernement et d’attirer l’attention de la communauté internationale. Ainsi, en amont du scrutin, 13 candidats d’ACT-Wazalendo pour les positions de députés et de représentants ont finalement été sortis de la compétition électorale par la ZEC sous prétexte de non-conformité aux procédures de nomination (par exemple, faux certificats de naissance, casier judiciaire non vierge ou encore manque de permission d’absence par l’employeur). La candidate à la Chambre des Représentants pour la circonscription de Donge, Pavu Abdalla Juma raconte ainsi en entretien qu’elle avait été menacée d’inéligibilité parce qu’elle avait écrit son nom «Abdalla», comme elle le fait toujours, alors que sur son certificat de naissance il est écrit «Abdulla». C’est dans les circonscriptions bastions de l’opposition que les candidats d’ACT-Wazalendo ont été le plus souvent déboutés, comme Hassan Jani Masoud, à Nungwi, au nord de Zanzibar, ainsi qu’à Pemba, la seconde île de Zanzibar qui, selon les résultats des élections, a basculé en totalité vers le CCM alors qu’elle a toujours majoritairement soutenu et voté pour l’opposition depuis des décennies.
Même Seif Sheriff Hamad, à la mi-septembre, avait craint pendant quelques jours être disqualifié par la ZEC – ceci sans compter les attaques personnelles incessantes à son encontre, entre usage de surnoms dépréciatifs, comme Babu madevu (“le grand-père barbu”, qui consiste à assimiler Seif Sherif Hamad à un Arabe musulman extrémiste), et accusations saugrenues et risibles, telle celle, à un mois des élections, lors d’une conférence de presse du CCM avec Humphrey Polepole, le Ideology and Publicity Secretary du CCM, disant que Hamad n’aurait pas réglé trois mois de résidence dans un hôtel prestigieux de Dar es Salaam, l’hôtel Serena :
« Vous savez il est venu au Serena pendant trois mois et il n’a toujours pas réglé sa facture. Comme c’est la période électorale on a laissé cette affaire en suspens. Mais voilà donc le style de Babu madevu : rester dans un hôtel particulier pendant trois mois, n’est-ce pas, et il s’en va avec des dettes ! Pour une personne éclairée comme l’est un leader politique, c’est inacceptable un tel comportement consistant à passer des nuits quelque part et ne pas payer, c’est se faire plaisir à la sueur du front des autres. Voilà le candidat que vous avez ici à Zanzibar ! ».[14]
Une seconde tactique frauduleuse a été la manipulation des listes électorales, autant celles du scrutin anticipé que celles du scrutin général. Selon ACT-Wazalendo, non seulement entre 100 000 et 150 000 Zanzibaris en droit de voter n’ont pas pu s’inscrire sur les listes (qui comptait environ 500 000 électeurs), mais de faux électeurs ont apparemment été inscrits, avec des erreurs étonnantes qui semblent témoigner d’un travail mené à la va-vite : des électeurs hommes portent des noms de femmes, et vice-versa, et des jeunes hommes ont des dates de naissance qui font d’eux des grands-pères. Ces incohérences ont été pointées du doigt par ACT-Wazalendo lors de meetings publics du parti quelques jours avant la fermeture de la campagne – la ZEC semblant par ailleurs ne rien faire pour tenter de les corriger – et des photos de ces anomalies ont circulé via les médias sociaux, tel le compte Twitter d’ACT-Wazalendo, très actif à quelques jours des élections avant que les médias sociaux soient bloqués pendant plusieurs jours par le gouvernement :
Post extrait du compte Twitter d’ACT-Wazalendo Zanzibar, 23 octobre 2020
Dans un meeting public à Chumbuni, ce même 23 octobre, Ismail Jussa, leader historique de l’opposition et membre du Central Committee d’ACT-Wazalendo, se moquait du travail de la ZEC en ces termes :
« Hier ils ont affiché les listes. Vous les avez vues ? Sur leurs listes on peut voir la photo d’un homme qui s’appelle Mwanaisha! Sur leurs listes on peut voir la photo d’un homme qui s’appelle Fatuma ! Sur leurs listes on peut voir la photo d’une femme qui s’appelle Khalfani ! (…) Un homme porte le nom d’une femme, une femme porte le nom d’un homme ! Et comme si ça ne suffisait pas, il faut voir les dates de naissance : on voit un grand-père, la photo vieux et ridé, mais il est écrit qu’il est né en 1995 ! Et un jeune homme, quant à lui, ça se voit qu’il vient à peine de finir ses études, sa date de naissance est en 1953 ! »[15]
Seif Sharif Hamad au meeting politique de Chumbuni, 23 octobre 2020 @Fouéré
Un jour plus tard, au grand meeting politique du parti de Nungwi le 24 octobre, à seulement 3 jours du scrutin, Hassan Jani Masoud, le candidat ACT-Wazalendo de cette circonscription disqualifié par la ZEC, expliquait ainsi les manigances de ZEC relativement aux listes électorales (que la loi oblige à afficher publiquement 7 jours avant le scrutin) :
« La commission électorale cette année est pilotée par le parti au pouvoir. Au moment de la nomination des candidats des partis, elle a débouté nos candidats. Et tout dernièrement, nous les avons rencontrés, et nous leur avons également envoyé de nombreux courriers, afin que nous obtenions, en tant que parti politique, des informations précises sur le déroulement des élections. Nous avons tout d’abord demandé à avoir accès aux listes électorales. Vous savez l’importance de ces listes pour préparer le scrutin, notamment pour organiser le déploiement de nos agents. Mais ils ont tout bonnement refusé de nous les soumettre, nous disant qu’elles seraient fournies aux agents le matin du scrutin. (…). Nous leur avons demandé par ailleurs de nous fournir la liste de ceux qui voteraient le jour du scrutin anticipé. Ils nous ont répondu que les listes étaient déjà affichées à l’entrée des bureaux de vote. Mais ces listes ont été affiches puis retirées immédiatement ! Et elles contiennent les noms d’individus qui ne sont pas des résidents des lieux où il est dit qu’ils résident. Voici donc le genre de commission qui prétend conduire ces élections ! ».[16]
Il ne fait donc aucun doute pour ACT-Wazalendo qu’à Zanzibar, les entraves à l’inscription sur les listes électorales et la manipulation patente de ces listes ont été une tactique de fraude pour remporter les élections. Mais craignant que cette tactique classiquement utilisée et déjà documentée lors des élections précédentes ne suffise pas à assurer la victoire[17], le régime en place l’a combiné à un scrutin anticipé extrêmement contrôlé et opaque, comme nous l’avons vu plus haut, qui a pu laisser la place à toute sorte de falsifications. Le régime a enfin eu recours à des violences démesurées qui ont frappé les deux îles de l’archipel, Unguja et Pemba, avec une très grande brutalité.
Affiches électorales de Hussein Ali Mwinyi (CCM) dans les cages d’escalier des immeubles de Michenzani, 26 octobre 2020 @Fouéré
Une dernière caractéristique de ces élections de 2020 à Zanzibar a été la démesure des menaces et des violences à l’encontre des opposants, qu’il s’agisse des citoyens ordinaires, des opposants locaux déclarés ou des leaders historiques de l’opposition[18]. Certes, lors des cinq élections multipartistes qui se sont déroulées à Zanzibar depuis 1995, la brutalité policière et militaire a été omniprésente. En 2000, « les balles pleuvaient », pour citer le titre d’un très célèbre rapport de Human Rights Watch[19] dénonçant la répression des forces de l’ordre contre des opposants lors de manifestations dans les rues de Zanzibar pour contester les résultats présidentiels, faisant entre 30 et 60 morts et plus de 300 blessés, et chassant vers le Kenya environ 2300 insulaires. En 2005, il y eut plus de 30 morts et des centaines de blessés.[20] Cette violence n’est, pour l’opposition, que le pendant brutal de la violation constante des principes électoraux et démocratiques. Mais cette année, les violences ont atteint un niveau inégalé pour éviter que force du sentiment national insulaire autonomiste ne se matérialise dans les votes pour l’opposition. Le dimanche 25 octobre, lors du rassemblement politique dans le terrain vague de Mnazi Mmoja qui clôturait la campagne électorale de l’ACT-Wazalendo, Seif Sharif Hamad avait défié Hussein Ali Mwinyi et fait part de ses craintes que la violence soit utilisée contre les Zanzibaris pendant l’élection :
“Toi, Hussein, es-tu prêt à être le président de Zanzibar en marchant dans le sang des Zanzibaris ? (…) Depuis le début, tu sembles prêt à avoir les mains pleines de sang uniquement pour être le Président. (…) Mais je vous le dis, nous les Zanzibaris sommes prêts à mourir, nous sommes prêts à mourir, nous sommes prêts à mourir !”.[21]
La veille, le samedi 24 octobre, lors du grand rassemblement à Nungwi, Hamad avait bravé les forces de sécurité, en adressant ces mots au président tanzanien John Pombe Magufuli : “S’il y a plus de chars militaires, je dis à Magufuli qu’il les amène ici. Le 27 octobre, nous irons tous aux urnes et nous voterons, et le 28 octobre, nous irons de nouveau aux urnes et nous voterons”.[22] Ces propos rappellent à demi-mots que l’enjeu ultime des élections en Zanzibar est la place de Zanzibar dans la République Unie de Tanzanie. L’envoi de troupes en masse à Zanzibar à chaque élection est la traduction armée du refus de voir l’archipel gouverné par l’opposition, d’un côté, et les termes de l’Union remis à plat, de l’autre. Pour 2020, on entend parler de près de 10 000 soldats supplémentaires amenés du continent à Zanzibar, mais les chiffres varient car le registre de la rumeur se superpose à la réalité. La présence de groupes de miliciens entraînés pour terroriser la population, appelés les mazombi, qui circulent en habits civils, masqués et armés, brouille encore plus les cartes entre le légal et l’illégal, l’ordre et la terreur.
Ainsi, l’emprise continue du CCM – le plus vieux parti au pouvoir du continent africain – sur le système institutionnel présidentialiste, la répression de l’opposition et, de manière générale, le refus du multipartisme au-delà d’un accord de façade, caractérise le régime tanzanien. Cette tendance s’est renforcée avec l’arrivée de Magufuli au pouvoir, président de l’Union encore plus centralisateur et autoritaire que ces prédécesseurs, comme nous l’avons vu, qui vient de l’emporter pour un second mandat, dans un scrutin décrié par l’opposition et une partie de la communauté internationale, avec 84,4 % des voix, alors même que si les zones rurales, démographiquement fortes, sont acquises au CCM, les villes et sa jeunesse réclament l’alternance. À Zanzibar, la radicalisation du nationalisme autonomiste insulaire[23] s’exprime maintenant au sein d’ACT-Wazalendo, et explique l’audace de Seif Sherif Hamad, alors qu’aux élections précédentes, ce dernier appelait ses partisans au calme et optait pour la contestation des résultats non par la rue mais par la voie légale. Cette année, une des chansons du parti répétée à chaque rally de campagne, “Dent pour dent” (Jino kwa jino)[24], et un des slogans joyeusement scandés par la foule, “Nous n’avons plus peur !” (Hatuogopi tena!), faisaient écho aux déclarations publiques de Hamad, rappelant dans l’allégresse des chants de campagne que l’opposition n’allait pas courber l’échine. L’atmosphère électorale était donc tendue et les paroles de défi de Hamad ont ajouté de l’huile sur un feu qui brûlait déjà.
Quelques heures après l’apparition de Hamad à Garagara le 27 octobre, les rues de la ville de Zanzibar se sont vidées. Les forces de sécurité défilaient à bord de camions militaires, des chars blindés étaient postés aux principaux carrefours et ronds-points de la ville, des groupes de soldats vêtus de noir quadrillaient les rues, armés de matraques, de mitraillettes et avec des chiens, et des gaz lacrymogènes étaient tirés pour éparpiller quelques jeunes encore regroupés. Au-delà de cette atmosphère lourde, une répression plus brutale a débuté dans les quartiers dans la ville et dans les fiefs de l’opposition à Unguja et à Pemba. Le soir du scrutin anticipé, ACT-Wazalendo diffuse une liste imprimée de noms indiquant 10 morts[25] (dont 9 à Pemba), 50 blessés, dont certains par armes à feu, et une autre cinquantaine de personnes arrêtées par la police. Les exactions se poursuivent le lendemain, jour du scrutin général, et les jours qui suivent[26]. La répression n’est pas aveugle, ciblant dans certains cas des personnalités locales connues pour défendre l’opposition, parfois enlevées la nuit, comme à Paje, un village de la côte est. Des victimes témoignent et s’exposent, dévoilant leurs blessures aux caméras (corps couverts d’ecchymoses, bras cassés, plaies ouvertes) à la conférence de presse de Hamad du 30 octobre, lequel qualifie le scrutin «d’exercice militaire» (mazoezi ya kijeshi). [27] Des photos circulent via les médias sociaux, montrant des gens battus, des intérieurs dévastés et des individus à la peau brûlée par des gaz lacrymogènes lancés dans les maisons, et la liste des morts, des blessés et des «disparus» s’allonge : début novembre, on compte 20 morts.
Le 30 octobre, alors que les résultats des élections sont encore attendus (ils sortiront en fin de journée), Hamad appelle à manifester pacifiquement dans une conférence de presse en toute fin de matinée :
« Tous ces gens ont souffert, parce que Zanzibar est une colonie, et le colonisateur a déjà décidé qu’il ne comptait pas laisser Zanzibar, même si pour cela il fallait tuer tout le monde ! (…) Mais c’est notre droit, nous avons le droit de nous battre pour notre pays. Nous disons que nous allons maintenant manifester de façon totalement pacifique, sans aucune arme, sans rien, même pas un couteau, qu’on les laisse eux avec leurs armes faire ce qu’ils veulent, mais nous nous allons protester en paix. Et je dois dire que j’espère que la communauté internationale et surtout l’Afrique, surtout l’Afrique, seront à nos côtés pour défendre nos droits légitimes. J’appelle donc à nous rassembler au rond-point de Michenzani »[28].
Dès la fin de la conférence de presse, les leaders d’ACT-Wazalendo et les quelques militants rassemblés partent à pied en direction du rond-point de Michenzani – lieu symbolique où est fêtée la victoire à chaque nouvelle élection – où les miliaires sont déjà déployés en grand nombre, bloquant la circulation. Les manifestants n’atteindront pas le rond-point : ils sont arrêtés 500 mètres avant, devant le siège du CCM de Kisiwandui, et tous sont battus très violemment par les forces de l’ordre qui les y attendent armées de matraques et de fusils. Ismail Jussa s’en sort avec de multiples fractures à la jambes et à l’épaule et des meurtrissures graves aux hanches et aux bras, et sera transféré quelques jours plus tard au Kenya pour être soigné et opéré.[29] Protégé par ses gardes du corps[30], Hamad – qui a 77 ans – évite les coups mais est arrêté et emmené au poste. Dans le restes de la ville, les altercations sont violentes entre les forces de l’ordre et les groupes de jeunes. Des témoignages circulent depuis la mi-novembre selon lesquels une partie de ces individus, après avoir été tenus enfermés et frappés pendant des jours, sont relâchés mais abandonnés dans des zones inhabités de l’archipel, les yeux bandés et les mains attachées, couverts de blessures.
Ce qui distingue incontestablement les élections de 2020 à Zanzibar des élections précédentes, en dehors du scrutin anticipé qui a lourdement pesé sur les résultats et les menaces et la peur qui ont tenu de nombreux électeurs loin des urnes[31], c’est la violence directe, brutale à l’égard des leaders de l’opposition. Nassor Ahmed Mazrui, le Deputy Principal Secretary d’ACT-Wazalendo à Zanzibar, en a pâti lourdement avec une partie de son équipe en charge de suivre et surveiller le décompte des votes pour le parti. Il a été enlevé dans la nuit du 28 octobre et battu par la police, puis laissé pour mort selon les premières rumeurs, et transféré en Tanzanie continentale selon les autres. Il n’a toujours pas été libéré[32]. Ces attaques physiques sur des membres de l’opposition très en vue dépassent de loin les abus observés précédemment. Il semble que l’écrasement total de l’opposition était l’objectif recherché dans un contexte de domination accrue de l’État-parti. Les propos d’une partisane du CCM résidante de Michenzani, tenus lors d’un entretien la veille du scrutin anticipé, reflètent cette conception d’un État-parti tout-puissant qui doit le rester, faisant écho aux appels du président Magufuli à gouverner «pour l’éternité» : «Il n’y a pas d’alternative au Parti de la Révolution, aucune ! Ne crois personne qui te dirait le contraire, il n’y a pas d’alternative ! Et nous aimons notre parti. Nos parents ont fondé le parti et l’ont chéri, et nous allons continuer nous aussi à le chérir»[33]. Elle clôt ses paroles en entonnant une chanson fameuse du parti :
« Je promets et je jure, devant le parti (Naapa naahidi mbele ya chama),
Révolution, je te protègerai jusqu’à ma mort (Mapinduzi nitakulinda mpaka kufa) ».
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[1] Nous avons suivi ces élections en tandem, comme nous l’avions déjà fait en 2005 et en 2010, Ania Gruca, photographe, et moi-même, anthropologue, travaillant toutes deux à des projets sur Zanzibar depuis 2009. Nous nous sommes rendues dans des meetings politiques publics, avons suivi plusieurs conférences de presse de Seif Sheriff Hamad, mené des entretiens individuels et eu des discussions informelles avec des membres des deux partis en lice, le CCM (Chama Cha Mapinduzi) et ACT-Wazalendo, et enfin circulé dans la ville pour observer, notamment, les actions des forces de l’ordre et les miliciens, les jours du scrutin, les opérations de collages d’affiches électorales et les fêtes populaires à l’annonce des résultats. Nous remercions Nicodemus Minde, Salma Said and Sina Schlimmer pour leurs commentaires sur ce texte.
[2] Makulilo (2008), O’Gorman (2012), Maingraud-Martinaud (2019).
[3] Voir par exemples les billets concernant la répression croissante en Tanzanie et l’autoritarisme de Magufuli sur African Arguments, dont les auteurs choisissent souvent de rester anonymes ou d’utiliser un pseudonyme. Voir également Nicodemus Minde, «How Magufuli has steered Tanzania down the road of an authoritarian one-party state», The Conversation Africa, 15 novembre 2020.
[4] En 2005, Amani Abeid Karume l’emporte avec 53,18% des voix à la présidence de Zanzibar contre 46,06 % pour Seif Sharif Hamad. En 2010, Ali Mohamed Shein l’emporte de justesse avec 50,11% des voix contre 49,14 % pour Seif Sharif Hamad. En 2015, les élections ont été annulées et les nouvelles élections de mars 2016 boycottées par l’opposition, qui ont vu Ali Mohamed Shein, sans opposant, l’emporter avec 91.4 % des voix.
[5] Des conflits internes au Civic United Front (CUF) ont conduit Seif Sharif Hamad, son leader à Zanzibar, à quitter ce parti qui incarnait depuis 1995 l’opposition au CCM pour rejoindre ACT-Wazalendo en mars 2019.
[6] Fouéré et Maingraud-Martinaud (2015).
[7] Le 26 avril 1964, la République du Tanganyika et la République populaire de Zanzibar signent un traité d’Union qui instaure la République unie de Tanzanie. Zanzibar conserve un gouvernement indépendant mais cède à l’Union les affaires régaliennes telles la défense, l’intérieur, les affaires étrangères ou les douanes.
[8] Voir notamment à ce sujet le rôle de l’organisation Uamsho : Fouéré (2012).
[9] Rawlence (2005), Fouéré (2011).
[10] « Chama Cha Mapinduzi will rule forever », AFP, 17 juillet 2018.
[11] Voir Burgess (2009) et Hamad (2020) : https://africanarguments.org/2020/07/01/why-im-running-for-the-zanzibar-presidency-again/
[12] Cameron (2001), Rawlence (2005), Fouéré (2011), Fouéré et Maingraud-Martinaud (2015), Minde, Roop et Tronvoll (2019) et les nombreux déclarations et rapports des observateurs nationaux et internationaux de 2005, 2010 et 2015. Malgré l’absence d’observateurs de l’Union européenne en 2020, l’Union européenne a fait circuler le 2 novembre un courte déclaration condamnant les irrégularités constatées dans le scrutin dans toute la Tanzanie et l’usage de la force à Zanzibar : https://www.consilium.europa.eu/en/press/press-releases/2020/11/02/tanzania-declaration-by-the-high-representative-on-behalf-of-the-eu-on-the-elections-in-tanzania/
[13] Khalid Salum Mohamed a une nouvelle fois remporté la circonscription de Donge de 2020 avec 9 696 voix contre 501 pour Pavu Abdalla Juma.
[14] Voir https://www.youtube.com/watch?v=MMOYWwtgF9c, début de la citation à 5mn 37.
[15] Enregistrement audio personnel, 23 octobre 2020, Chumbuni (ma traduction).
[16] Enregistrement audio personnel, 24 octobre 2020, Nungwi (ma traduction).
[17] Dans un communiqué sarcastique de 2005, le CUF appelait le registre électoral – en anglais le « Permanent Voters Register» ou PVR – le « Permanent Vote Rigging », c’est-à-dire « la fraude électorale permanente » (CUF, 2005 : 35 in Killian 2009 : 81).
[18] Un telle violence était anticipée depuis un an par certains analystes, voir le rapport de International Crisis Group du 11 juin 2019 : https://www.crisisgroup.org/africa/horn-africa/tanzania/b144-averting-violence-zanzibars-knife-edge-election
[19] Human Rights Watch (2002).
[20] Rawlence (2005) ; National Democratic Institute, International Observation Mission: 2005 Zanzibar Elections. October, 30 2005. Final Report, Dar es Salaam, NDi, 2005.
[21] Enregistrement audio personnel, 25 octobre 2020, Mnazi Mmoja (ma traduction).
[22] Enregistrement audio personnel, 24 octobre 2020, Nungwi (ma traduction).
[23] Fouéré (2012), Maingraud-Martinaud (2015), Fouéré et Maingraud-Martinaud (2015).
[24] Ce slogan de campagne existe depuis 2000 à l’époque où Seif Sheriff Hamad se portait candidat à la présidentielle par l’intermédiaire du Civic United Front (CUF).
[25] Voir aussi dans les médias : https://www.heraldbulletin.com/news/nation_world/tanzanian-opposition-party-says-police-kill-7-ahead-of-vote/article_433d0dba-2dc0-5674-b85b-0971c6860c2c.html
[26] Voir en ligne le rapport d’ACT-Wazalendo de la fin de journée du 28 octobre 2020 : https://www.actwazalendo.or.tz/act_wazalendo_election_2020_briefing_28_october_2020_pm?locale=en
[27] Enregistrement audio personnel, 30 octobre 2020, Stone Town (ma traduction).
[28] Ibid.
[29] Il ne sait pas si et quand il pourra rentrer à Zanzibar, craignant pour sa vie – en date du 16 novembre 2020.
[30] Discussion personnelle, Ismail Ladhu Jussa, 13 novembre 2020.
[31] Le taux officiel d’abstention n’est pas disponible.
[32] En date du 16 novembre 2020.
[33] Enregistrement audio personnel, 26 octobre 2020, Michenzani. Notre interviewée reprend ici les mêmes termes que ceux de John Magufuli qui, en 2018, quelques jours avant d’affirmer, dans un discours devant la presse, que le CCM gouvernerait «pour l’éternité» en soulignant que l’opposition devra se confronter à «toujours avoir des problèmes», avait déclaré, lors d’une cérémonie d’ouverture d’un centre de formation du CCM à Kibaha : «Le CCM est là et continuera à être là – pour toujours. Vous, membres du CCM, vous pouvez marcher le front haut. Il n’y a pas d’alternative au CCM» («Tanzanian President Magufuli says party will rule ‘forever’», The East African, 17 juillet 2018 : ).
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