Au CEFRES, Štepánská 35, Prague 1 (salle de cinéma, sous-sol)
Avec Michel PASTOUREAU (Directeur d'études à l'École Pratique des Hautes Études)
9h10 : L'historien du Moyen Âge face à la couleur
La première conférence portera sur la couleur, comme objet d'histoire. Les historiens médiévistes – y compris les historiens de l'art - parlent rarement des couleurs. À cela, différentes raisons dont la principale tient aux difficultés rencontrées pour étudier un tel sujet, souvent rebelle à l'analyse. Ces difficultés sont de trois ordres. D'abord documentaires : nous voyons les couleurs du passé telles que le temps les a faites et non pas dans leur état d'origine ; nous les voyons en outre dans des conditions de lumière qui n'ont aucun rapport avec les éclairages qu'ont connus les sociétés anciennes. Ensuite méthodologiques : dès qu'il s'agit de la couleur, tous les problèmes se posent en même temps, chimiques, matériels, techniques, mais aussi iconographiques, idéologiques, symboliques. Enfin épistémologiques : il est impossible de projeter telles quelles sur les images, sur les oeuvres d'art et sur les objets médiévaux non seulement nos définitions et nos classifications actuelles de la couleur, mais aussi nos sensibilités, nos perceptions et nos systèmes de valeurs. Ce n'étaient pas ceux et celles des hommes et des femmes du Moyen Âge. En prenant quelques exemples, notamment celui de la couleur bleue, la conférence montrera comment ces difficultés ont en elles-mêmes une forte valeur documentaire. Ce faisant, elle soulignera combien toute histoire des couleurs doit d'abord être une histoire sociale.
10h50 : L'historien du Moyen Âge face à l'animal
La seconde conférence s'intéressera à un autre objet, lui aussi longtemps abandonné à la « petite histoire » : l'animal. Depuis une quinzaine d'années pourtant, l'animal est devenu un objet d'histoire à part entière, notamment grâce à la collaboration de plus en plus fréquente avec des chercheurs venus d'autres horizons anthropologues, philosophes, linguistes, zoologues). Son étude se situe même désormais à la pointe de la recherche et au carrefour de plusieurs disciplines. Envisagé dans ses rapports avec l'être humain, l'animal touche à tous les grands dossiers de l'histoire sociale, économique, matérielle, culturelle, religieuse et symbolique.
Dans cette attention nouvelle portée par les historiens au monde animal, les spécialistes de la période médiévale ont joué un rôle essentiel. Plusieurs facteurs expliquent cette situation, en particulier les documents médiévaux eux-mêmes : ceux-ci sont en effet particulièrement bavards sur l'animal et sur ses relations avec les hommes, les femmes, la société. Textes et images, bien sûr, mais aussi matériaux archéologiques, rituels et codes sociaux, faits de langue et de lexique, de toponymie et d'anthroponymie : quel que soit le terrain documentaire sur lequel il s'aventure, l'historien médiéviste ne peut pas ne pas rencontrer l'animal. Il semble bien qu'en Occident, aucune autre époque ne l'ait aussi fréquemment et intensivement pensé, raconté, mis en scène. L'étude du bestiaire médiéval est cependant moins facile qu'il n'y paraît. Le danger de l'anachronisme, notamment, guette le chercheur à chaque coin de document. Des notions qui nous sont familières sont alors inconnues : mammifères, insectes, cétacés, taxinomie, transformisme. En outre, la frontière est floue qui sépare les animaux sauvages des animaux domestiques, les animaux indigènes des animaux exotiques, les animaux réels des animaux imaginaires.
Né en 1947, Michel Pastoureau est historien, spécialiste des couleurs, des animaux, des emblèmes et des symboles. Ancien élève de l'École des chartes, il a consacré sa thèse au Bestiaire héraldique du Moyen Âge. Depuis 1982, il est professeur d'université et directeur d'études à l'École Pratique des Hautes Études, où il occupe la chaire d'histoire de symbolique occidentale. Il a également été pendant vingt-cinq ans directeur d'études cumulant à l'École des hautes études en sciences sociales. Membre de différentes académies et associations, il est président de la Société française d'héraldique.