Co-organisé par l'Institut de Recherche sur le Maghreb Contemporain, l'Observatoire Tunisien de la Transition Démocratique, en partenariat avec la Fondation Hanns Seidel, à l'Hôtel Sidi Bou-Saïd, Tunis. Coordonné par Alia Gana (CNRS/IRMC) et Gilles Van Hamme (ULB).
Argumentaire
Comme l'on démontré les mobilisations populaires en Tunisie, c'est à l'échelle des territoires que les inégalités du développement et l'injustice sont plus particulièrement perçues et vécues. Les disparités socio-territoriales croissantes qui ont accompagné les processus de développement figurent en effet parmi les causes profondes des révoltes populaires qui ont embrasé le pays à partir de décembre 2010. Ces disparités ont ressurgi à travers les résultats des élections pour l'Assemblée Constituante Tunisienne, qui se sont traduits par de fortes différences de participation et de choix électoraux entre les métropoles côtières et l'intérieur, ainsi qu'entre différents quartiers au sein des grandes villes côtières. Alors que les interprétations courantes des élections du 23 octobre 2011 n'accordent que peu d'attention à la dimension territoriale du vote, leurs résultats interrogent fortement sur l'importance des inégalités sociales et territoriales comme clé de compréhension des comportements électoraux. D'une part, la géographie des résultats électoraux exprime les inégalités de développement et de structures socioéconomique. D'autre part, cette territorialité du vote tunisien ne peut pas être réduite à ces inégalités socioéconomiques et recouvre d'autres dimensions importantes, sociohistoriques, culturelles et politiques. S'appuyant sur les résultats d'une recherche de géographie et de sociologie électorale menée par une équipe tuniso-française, ainsi que sur les expériences électorales récentes du Maroc, de l'Algérie et de la Libye, le colloque « Processus électoraux, territoires et légitimité » souhaite contribuer à une meilleure connaissance des clivages sociopolitiques et des lignes de fracture qui traversent les sociétés du Maghreb, ainsi qu'à éclairer des problématiques sociales et économiques plus larges : la question du régionalisme (voire du tribalisme) et de ses formes éventuelles de résurgence, la question identitaire et religieuse et son rôle dans la consolidation de nouveaux clivages sociopolitiques, la question du pouvoir et des inégalités sociales, ainsi que leurs formes d'expression à l'échelle locale, le rapport de différents acteurs sociaux à la démocratie. A travers l'analyse des comportementaux électoraux et des stratégies des acteurs politiques, le colloque se propose également de contribuer à éclairer la question des liens entre processus électoraux et légitimité du pouvoir politique, en particulier d'évaluer le rôle du vote dans le processus de légitimation (voire de dé légitimation) du pouvoir issu des urnes. En effet, alors que les élections sont considérées comme un instrument majeur de la démocratisation des systèmes de pouvoir et comme un moyen de favoriser une plus grande reddition des comptes par les autorités élues, elles peuvent aussi être un vecteur d'instabilité et d'exacerbation des conflits. De ce point de vue, l'analyse contextualisée des comportements électoraux et des ressorts socioterritoriaux du vote permet d'interroger les approches normatives des élections, trop souvent fondées sur une confusion entre la notion de légalité et celle de légitimité. En Tunisie, le scrutin du 23 octobre, célébré de par le monde comme une réussite exemplaire, a pourtant mis en évidence les limites d'un processus électoral marqué par une prolifération de partis qui correspondent peu aux réalités sociologiques du terrain et dans lesquels la population a eu du mal à se reconnaître. Ainsi les élections pour l'Assemblée Nationale Constituante n'ont réussi à mobiliser que la moitié des Tunisiens. En outre, comme l'indique l'analyse de géographie électorale menée par l'équipe organisatrice de ce colloque, le sens du vote ne semble pas correspondre aux projections de la Révolution, puisque ce ne sont pas les acteurs à l'origine de la révolte populaire, en particulier dans la région du centre-ouest, qui ont tiré profit de élections. Alors que les mobilisations et les tensions sociales n'ont pas fléchi depuis l'arrivée au pouvoir du parti islamiste et que les politiques publiques peinent à trouver des solutions au chômage des jeunes et aux inégalités régionales, l'action étatique fait l'objet de contestations de plus en plus vives de la part des partis d'opposition et surtout des acteurs de la société civile. Cet état de fait pose la question de la légitimité des nouvelles autorités publiques et plus spécifiquement celle du lien entre élections et légitimité de l'État. Dans ce contexte, le colloque «Processus électoraux, territoires et légitimité en Tunisie et au Maghreb», qui réunira des chercheurs, des experts et des acteurs de la société civile, se fixe trois principaux objectifs :
Présenter et discuter les résultats de la recherche en géographie et en sociologie électorale menée sur le scrutin du 23 octobre 2011 en Tunisie, dans le cadre d'une collaboration entre le CNRS-IRMC et l'Observatoire Tunisien de la Transition démocratique (avec l'appui de la Fondation Hanns Seidel),
Confronter les expériences électorales et leurs méthodes d'analyse à l'échelle du Maghreb et susciter le débat sur les dimensions territoriales des processus sociaux et politiques de la transition démocratique dans la région,
Éclairer la problématique des liens entre processus électoraux et légitimité, à la lumière des dynamiques sociales et des recompositions politiques à l'oeuvre dans la région.
Programme
23 novembre 2012
8h30-9h : Accueil des participants 9h-9h20 : Ouverture : Représentants de l'OTTD, (Asma Nouira), de la Fondation Hanns Seidel (Jamil Hayder) et de l'IRMC (Pierre-Noël Denieuil) et présentation du programme du colloque (Alia Gana), CNRS/IRMC 9h20-11h : Première séance Processus électoraux, débat public et paysage politique en Tunisie et au Maghreb Président de séance : Pierre-Noël Denieuil, Directeur de l'IRMC Jean-Philippe Bras, Université de Rouen, Le peuple : entre le national et le local Abdelmourhit Ben Messaoud, Centre de recherche et d'études en sciences sociales (CRESS), Les processus électoraux et la décomposition /recomposition du champ politique au Maroc Nacer Djabi, (Université d'Alger), Place et fonction des élections dans le système politique algérien Déborah Perez, (ENS – Paris), La prégnance du débat sur l'identité tunisienne à l'ANC : La résistance des mythes fondateurs Discussion - Rapporteur : Imed Melliti, Université de Tunis 11h-11h15 : Pause café 11h15-13h : Deuxième Séance Les élections tunisiennes : enseignements et perspectives Président de séance : Hamadi Redissi, Université de Tunis Chafik Sarsar, Université de Tunis, Transition démocratique, hégémonie et consensus : évaluation du mode de scrutin d'octobre 2011 Soraya Fersi et Moez Bouraoui, Association tunisienne pour l'intégrité et la démocratie des élections (ATIDE), Le nouveau projet d'instance électorale : état des lieux et perspectives Samy Ghorbal, journaliste & écrivain, « Aller au peuple » : le défi des modernistes tunisiens Discussion - Rapporteur : Sihem Najar, (IRMC) 13h -14h15 : Pause déjeuner 14h15-16h15 : Troisième Séance Processus électoraux et territoires Président de séance : Jean-Philippe Bras, Université de Rouen Isa Feuerstoss, (Université Paris 8) et Maryam Ben Salem (CAWTAR), Élections, genre et territoires en Tunisie Sami Yassine Turki, Institut Supérieur des Technologies de l'Environnement, de l'Urbanisme et du Bâtiment, La question régionale et les inégalités territoriales dans le débat politique en Tunisie Rafaa Tabib, (ISAMM), Université de La Manouba, (CNRS), Le Conseil social des Tribus de Werfellas et les élections du 7 juillet 2012, alliances et ruptures à Sebha Discussion - Rapporteur : Hend Ben Othman, (ISTEUB/IRMC) 16h00-16h15 : Pause café 16h15-18h00 : Quatrième séance Géographie électorale et disparités socio-territoriales Président de séance : Moez Bouraoui, (ISTEUB, Tunis) Alia Gana, (CNRS/IRMC) et Gilles Van Hamme, (ULB), Présentation du projet de recherche Géographie électorale disparités socio-territoriales Maher Ben Rebbah, Université Paris 13 et Gilles Van Hamme, (ULB) Cartographie et analyse des résultats électoraux à l'échelle des gouvernorats, des délégations et des quartiers Discussion - Rapporteur : Soraya Fersi, (ATIDE)
24 novembre 2012
9h-13h30 : Cinquième séance Les observatoires localisés (1) : Une approche conceptualisée des comportements électoraux Président de séance : Abdelmourhit Ben Messaoud, (CRESS, Maroc) 9h00-10h45 Alia Gana, (CNRS/IRMC) et Gilles Van Hamme (ULB), Présentation de l'approche méthodologique et premières analyses de l'enquête auprès des électeurs Naji Argoubi, Université de Tunis, Faculté de La Manouba, Observatoire de Tabarka/Jendouba Asma Baklouti, Association Mouatinat et Fethi Rekik, Université de Sfax, Observatoire de Sfax Discussion - Rapporteur : Isa Feuerstoss, Université Paris 8 10h45-11h : Pause café 11h-13h30 : Cinquième séance Les observatoires localisés (2) Président de séance : Rafaa Tabib, (ISAMM, Université de La Manouba, CNRS) Alia Gana, (IRMC/CNRS), Observatoire de Bir Mcherga/Zaghouan Irène Carpentier, (IRMC), Observatoire de Gabès/Chenini Aymen Belhaj, (EHESS, Paris), Observatoire de Djebeniana Discussion - Rapporteur : Deborah Perez, (ENS, Paris) Synthèse du colloque et perspectives 15h-17h : Réunion du réseau maghrébin de recherche