Séminaire du Laboratoire International Associé (LIA) du CNRS : Inégalités, développement et équilibres politiques
Par Monsieur Said BENNIS, professeur de l'enseignement supérieur en sciences humaines et sociales à l'Université Mohammed V, membre du comité scientifique du Centre d'Etudes et de Recherches en Sciences Sociales (CERSS), membre du Laboratoire de Recherches et d'Etudes Sociologiques (LARES) du Département de Sociologie de Rabat, auteur du livre Territoire, région et langues au Maroc, publié en 2011 chez Lina- Editions. Il interviendra sur « La question sociale et les revendications linguistiques et culturelles au Maroc ».
Présentation de l'intervention
La question sociale réfère communément à deux paradigmes généraux, celui du vivre ensemble et celui du lien social. Dans le Maroc moderne, ces paradigmes ont été revisités à partir de différentes revendications, et tout particulièrement celles liées aux droits linguistiques et culturels des Amazighs. Cette corrélation entre la question sociale et les revendications linguistiques et culturelles a généré une dynamique en deux temps, le premier se rapporte aux différentes initiatives visant l'institutionnalisation de la langue et de la culture amazighes (création de l'IRCAM, de la Huitième chaîne, enseignement expérimental de l'amazigh à l'école, ...), le second temps renvoie à la reconnaissance par la constitution de 2011 de la diversité identitaire, linguistique et culturelle et aussi de l'amazigh comme langue officielle au côté de l'arabe. Cette nouvelle situation interpelle les acteurs à différents degrés et implique divers questionnements :
Dans quelles mesures les dispositions constitutionnelles et institutionnelles actuelles permettent –elles de couvrir et de satisfaire les composantes du marché linguistique et culturel marocain et de faire prévaloir les orientations stratégiques du pays?
Comment les acteurs institutionnels et sociaux conçoivent-ils la langue maternelle et la culture locale dépendamment des questions d'équité sociale et de démocratie politique?
Quelle (s) politique (s) publique (s) adopter en matière de services publiques pour l'aménagement de la relation entre les aires linguistiques et culturelles et les régions prévues dans le projet de régionalisation avancée?
La question de la diversité linguistique et culturelle est intimement liée à la citoyenneté, à la participation dans son rapport au territoire, à l'histoire, à la culture et à la langue dans une trajectoire garantissant les droits linguistiques et culturels. A cet égard, les enjeux de la politique de la diversité consistent à (i) satisfaire les besoins linguistiques et culturels de la communauté, des groupes et des individus, (ii) passer d'une logique d'homogénéisation linguistique et culturelle à une logique d'hétérogénéisation linguistique et culturelle et (iii) transcender le modèle de l'Etat centralisateur par celui de l'Etat qui partage les biens symboliques avec les régions.
De ce fait, il semble essentiel d'entrevoir une situation sociale (services publiques, enseignement, médias, culture, encadrement administratifs...) au sein de laquelle les droits linguistiques et culturels sont placés au même diapason que les droits civiques, économiques et sociaux. L'opérationnalisation de ces orientations appelle la mise en œuvre de principes déjà reconnus par les expériences étrangères, en l'occurrence les principes de personnalité (Canada) et de territorialité (la Suisse). Toutefois, il est notoire de souligner l'impact d'une telle opérationnalisation sur les pays du voisinage et tout particulièrement ceux qui présentent une diversité linguistique et culturelle similaire tels, l'Algérie, la Tunisie, l'Egypte, la Lybie, le Mali, la Mauritanie, ... Ce qui pourrait contribuer à l'émergence d'un nouvel espace multiculturel avec des configurations reconnaissant les droits linguistiques et culturels de toutes les populations de la région, lequel espace peut être désigné comme un espace post-multiculturel.
Présentation du LIA-CNRS et de ses séminaires
Le Laboratoire international associé « Inégalités, développement et équilibres politiques » est un laboratoire du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS). Il associe des unités de recherche françaises et marocaines. Il est dirigé par deux coordinateurs, un français, représentant le CNRS (Monsieur Jean-Noël Ferrié), et un marocain (Monsieur Saïd Hanchane). Ce laboratoire est créé pour une période de quatre ans renouvelable. Un comité de pilotage assure la supervision de ses activités. Il comprend les tutelles des unités de recherche concernées et des membres extérieurs.
Les séminaires organisés, tous les 3èmes mardis du mois, dans le cadre des activités de ce laboratoire visent à interroger des questions traitant l'impact des inégalités sur le développement humain et sur les équilibres politiques, en considérant les inégalités objectives et les inégalités subjectives, c'est-à-dire les inégalités perçues. Cette problématique est posée à partir de la société marocaine, qui connaît des inégalités évidentes tout en évitant les crises majeures dans une région secouée par des mutations incertaines.