En moins d'un demi-siècle, les agricultures d'Europe centrale ont traversé trois ruptures majeures : réformes agraires, collectivisation, décollectivisation, qui ont déclenché une mutation des structures agraires. Cet article entend faire retour sur l'épisode le plus récent, la décollectivisation de la décennie 1990, pour montrer que cette dernière mutation ne peut être interprétée indépendamment des tournants agraires antérieurs. Nous avançons l'idée que les trajectoires post-collectivistes s'inscrivent dans le temps long de l'histoire et qu'elles dépendent des choix du passé comme des itinéraires de sortie du système collectiviste antérieur. L'interprétation s'appuie sur une analyse des dispositifs de changement institutionnel et des principes auxquels ils se réfèrent ainsi que des modalités de leur mise en œuvre. Cette analyse s'appuie sur les trajectoires de transformation des formes sociales de production (conduites à partir d'études monographiques) et permet ainsi d'éclairer la complexité des processus observés. Elle s'organise en trois parties : 1- les tournants agraires lus comme des temps d'inversion des rapports sociaux, 2- la décollectivisation appréhendée comme processus de démontage d'un système à l'interférence d'une double série d'héritages agraires, 3- les formes sociales post-collectivistes comme produit de trajectoires socio-historiques.