Depuis la révolution du 25 janvier, les Égyptiens ont pu faire entendre leurs voix dans les urnes à plusieurs reprises. Les élections organisées en 2011 et 2012 ont représenté autant d'occasions pour les différents courants politiques de concourir pour obtenir des mandants électifs et influencer la vie politique, mais aussi pour mesurer leur poids dans la société. Du fait du contexte post-révolutionnaire, ce numéro d'Égypte/monde arabe se situera à la fois dans le prolongement et dans la rupture par rapport aux études précédentes portant sur les élections égyptiennes. Dans leur prolongement, car elles ont fourni les instruments théoriques nécessaires à la compréhension des opérations électorales en Égypte, notamment en ce qui concerne le choix des députés à l'Assemblée du peuple. Dans la rupture, car les élections de 2011-2012 se sont tenues dans des conditions radicalement différentes de celles qui avaient été organisées dans le passé.

Date limite d'envoi des propositions : 15 juillet 2012.

L'ouvrage collectif consacré aux élections législatives de 1995 par Sandrine Gamblin a montré que pour être élus les candidats devaient disposer à la fois d'un ancrage local et de liens avec le pouvoir politique [Gamblin, 1997]. Pour être élus, les candidats mobilisent en effet leurs 'asabiyât tout en pourvoyant des services collectifs à la communauté. Dans le prolongement de ces travaux, Sarah Ben Néfissa et 'Alâ al Dîn Arafat [2005] ont montré dans leur étude des élections législatives de 2000 que les pratiques clientélistes n'excluaient pas totalement une certaine politisation du vote, en faveur notamment des Frères musulmans [Vannetzel, 2008], mais aussi des candidats « indépendants sur les principes du Parti national démocratique », au détriment des candidats officiels de ce parti. Parallèlement, d'autres travaux se sont intéressé aux formes de la participation politique dans les quartiers informels et populaire [Singerman, 1997 ; Haenni, 2005]. Enfin, sans remettre en cause ce cadre théorique, le numéro d'Égypte monde arabe consacré aux élections de 2005 [EMA, n°7, 2011] élargit la perspective en direction d'acteurs des élections jusqu'alors négligés : les médias et les juges.

Si la révolution du 25 janvier n'a pas fait disparaître du jour au lendemain les 'asabiyât, ni les représentations dominantes du rôle du député, elle a néanmoins profondément modifié le contexte juridico-politique dans lequel se sont déroulées les élections. La multiplication de nouveaux partis politiques – conjonction d'un désir de participation consécutif aux manifestations de 2011 et de la réforme de la loi des partis (28 mars 2011) –, les nouvelles règles électorales, la quasi-disparition de la police, la baisse du sentiment d'impunité concernant la fraude et les violences électorales, l'augmentation enfin de la participation ont fait de ces élections des élections de rupture avec « l'ancien régime ».

Seront privilégiés les contributions portant sur une étude de cas (une circonscription, un parti, un candidat, un type d'acteur etc.) et reposant sur un matériel empirique (qualitatif et/ou quantitatif). Outre les élections législatives (assemblée du peuple et/ou assemblée consultative), les contributions portant sur les élections présidentielles de 2012 et sur le référendum de mars 2011 sont également les bienvenues. L'examen des similarités et des différences entre ces trois types de scrutins nous semble en effet indispensable pour élargir la réflexion sur le vote en Égypte.

Trois axes d'étude seront privilégiés dans ce numéro :

Le rôle des notables dans les élections législatives doit évidemment être examiné dans ce numéro, en lien avec celui des partis politiques. Quelle est la sociologie des candidats et des élus ? En quoi diffère-t-elle de ce qui a pu être constaté lors des précédentes élections du même type ? Comment les partis ont-ils remplis leurs fonctions de formulation des programmes, de sélection des candidats et de mobilisation des électeurs ? Quels liens les candidats et les partis ont-ils entretenus avec différents groupes organisés ('asabiyât, mais aussi réseaux religieux, associations, syndicats, etc.) ? Ces deux dernières questions peuvent d'ailleurs faire l'objet de contributions portant sur les élections présidentielles de 2012.
Quelles ont été les stratégies de mobilisation mises en œuvre dans ces différentes élections (usage des médias, services à la population, matériel militant, arguments et réseaux religieux) ?
Enfin, ce numéro entend mettre l'accent sur les acteurs et les procédures. Il s'agit de s'intéresser aux électeurs, aux candidats et aux partis bien sûr, mais aussi aux médias, et à l'ensemble des acteurs chargés de la bonne marche de l'opération électorale : juges, assesseurs, observateurs, appareil de sécurité, etc. Les contributions pourront ainsi porter aussi bien sur une ethnographie des bureaux de vote que sur l'examen des règles juridiques encadrant l'opération électorale.

Les projets de contribution (1 page max.) doivent être envoyés au plus tard le 15 juillet à elham@cedej-eg.org et à clement@steuer.fr. Nous acceptons les contributions en Français, Anglais ou Arabe.

Références

BEN NEFISSA Sarah et 'Alâ al Dîn ARAFAT, Vote et Démocratie dans l'Égypte contemporaine, IRD-Karthala, 2005.

GAMBLIN Sandrine (dir), Contours et détours du politique en Égypte, Les élections législatives de 1995, Paris, L'Harmattan Cedej, 1997.

HAENNI Patrick, L'ordre des caïds : conjurer la dissidence urbaine au Caire, Paris, Karthala-Cedej, 2005

KOHSTALL Florian et Frédéric VAIREL (dir.), Égypte monde arabe, n° 7, 2011.

SINGERMAN Diane, Avenues of participation, Le Caire, The American University in Cairo Press, 1997.

VANNETZEL Marie, « Les voies silencieuses de la contestation : les Frères musulmans égyptiens, entre clientélisme et citoyenneté alternative », Raisons politiques, n° 29, 2008.

Call for papers : The Elections of the Revolution : From the Street to the Ballot Box

Since the January 25 Revolution, Egyptians have been offered several opportunities to make their voices heard through the ballot box. The elections held in 2011 and 2012 have been occasions for the different political currents not only to come into office or to influence politics, but also to test their worth. Due to the post-revolutionary context, this issue of Egypt Arab World will be both in continuity with previous studies of Egyptian elections, as well as reflect a rupture in the study of the subject. While previous works provided the theoretical tools needed to understand the election process in Egypt, especially regarding the popular election of the Assembly, the radically different circumstances under which the 2011 and 2012 elections were held marks a break with the past.

The joint publication on the 1995 legislative elections, edited by Sandrine Gamblin, showed that candidates, in order to be elected, had to have both a local constituency, as well as links to the regime [Gamblin, 1997]. On the one hand, candidates had to mobilize their "'asabiyat" and on the other, provide services to the community. In their study of the 2000 legislative elections, Sarah Ben Néfissa and 'Alâ al Dîn Arafat [2005] continued in this same vein. They showed that, in 2000, the practice of a certain clientelism did not entirely preclude the politicization of the vote (notably in favor of the Muslim Brotherhood [Vannetzel, 2008]). Nor did this tendency exclude candidates considered "independent with regards to the principle of the National Democratic Party," to the detriment of the latter. Other studies have focused on forms of political participation in shanty towns and lower-class neighborhoods [Singerman, 1997 ; Haenni, 2005]. Finally, the issue of Egyptian Arab World on the 2005 elections [EMA 7, 2011] widened the field of research to include actors in the electoral process previously been ignored, namely the media and the judiciary.

While the January 25 revolution did not make 'asabiyat, nor the dominant view of the deputy as service provider, disappear entirely, it nonetheless profoundly modified the juridico-political context in which the elections were held. The proliferation of new political parties – a result of the combination of a desire to participate born of the 2011 demonstrations and the reform of the law regulating political parties (March 28, 2011) – the creation of new electoral laws, the quasi-disappearance of the police, the general feeling that fraud and electoral violence would no longer go unpunished, and the increase in participation together form a rupture with elections held under the former regime.

In this issue, we will privilege contributions based on case studies (of an electoral district, a political party, a candidate, a type of actor, etc.) that include empirical data (qualitative and/or quantitative). In addition to studies focusing on the legislative elections (People's Assembly and/or the Shura Council), we also welcome contributions regarding the 2012 presidential elections and on the referendum held in March 2011. It seems to us that a comparison between these three different types of poll is indispensable to better understand voting habits in Egypt.

This issue will prioritize three axes of analysis:

The examination of the role of notables in the legislative elections, especially with regards to political parties. What is the sociological make-up of the candidates and those elected? How does this differ from previous elections of the same kind? How did the political parties formulate their programs, select their candidates, and mobilize their electors? What kinds of relationships did the candidates and parties form with different organized groups (such as the asabiyat, but also religious networks, associations, unions, etc.)? These last two questions in particular may be the subject of contributions regarding the 2012 presidential elections.
What kinds of strategies were used to mobilize electors in the different polls (media, public services, campaign materials, argumentation, religious networks)?
Finally, this issue will emphasize the actors and the processes. While electors, candidates, and parties play important roles, we are also interested in the role of the media and all other actors whose responsibility it is to make sure that elections run smoothly: judges, assessors, observers, the security apparatus, etc. Thus, contributions may range from an ethnography of polling stations to the analysis of the legal rules that regulate the electoral process.

Paper abstracts (one page max.) should be sent to elham@cedej-eg.org and clement@steuer.fr by 15 July 2011. We will accept contributions in English, French or Arabic.

manifestation-geante-place-tahrir-au-caire-le-8-avril-2011

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