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Publié ici :
21 Mars 2024Mis à jour le :
15 Avril 2024Zone géographique:
- Moyen-Orient
Par Julie Lavayssiere
Article réalisé à partir des matériaux récoltés lors d’un terrain comparatif à Istanbul avec l’IFEA entre mai et juillet 2023. Ce terrain s’inscrit dans le cadre d’une thèse à l’Université Paris 8 sur les trajectoires des personnes exilées sans-papiers en Île-de-France et à Istanbul, sous la direction d’Agnès Deboulet (LAVUE) et d’Adelina Miranda (Migrinter).
Méthodologie et remerciements en fin d’article
Lors de la campagne présidentielle qui oppose Recep Tayyıp Erdoğan à Kemal Kılıçdaroğlu en mai 2023, la question migratoire est au centre des débats politiques et sociétaux, notamment autour de la présence sur le sol turc de près de cinq millions de personnes migrantes[1] (dont 3,6 millions de Syriens). L’alliance d’opposition dont fait partie K. Kılıçdaroğlu a largement basé sa campagne d’entre-deux tours sur la promesse de l’expulsion de tou•te•s les « réfugié•es » présent•es en Turquie dans les deux ans tandis que R.T Erdoğan table sur l’augmentation du retour volontaire des Syrien•nes et l’augmentation des arrestations des « migrants illégaux »[2] présents sur le territoire. Cette politique de renvoi des personnes en situation d’irrégularité est d’ailleurs déjà à l’œuvre depuis 2019 suite à la défaite de l’AKP aux élections municipales, notamment à Istanbul, et s’est encore renforcée début juillet 2023 avec des opérations généralisées de contrôle d’identité concentrées sur les districts qui abritent le plus de personnes étrangères. Depuis 2019, le gouvernement annonce avoir procédé à l’arrestation d’un million de « migrants illégaux »[3] et se targue d’avoir un taux d’expulsion de 65% en 2022 des personnes placées en centres de rétention (hors personnes Syriennes). Le durcissement des politiques migratoires turques, le rejet généralisé des exilé•es de la part d’une grande partie de la société et l’augmentation des contrôles d’identité et des expulsions ont un impact direct et important sur la vie quotidienne des personnes exilées sans-papiers en Turquie et notamment à Istanbul. Ce billet vise à comprendre comment ces politiques d’éloignement se répercutent sur les mobilités des personnes exilées dans la métropole d’Istanbul et dans les quartiers habités et quelles sont les tactiques déployées au quotidien pour contrecarrer l’immobilité spatiale à laquelle elles sont contraintes ?
Afin d’aborder cette question de l’immobilité contrainte des personnes exilées sans-papiers, nous aborderons tout d’abord le processus d’installation initiale des personnes exilées interrogées à Istanbul à partir des choix résidentiels faits lors de leurs arrivées ainsi que des réseaux ethniques ou linguistiques mobilisés en ce sens. Dans un deuxième temps, nous illustrerons comment les changements dans les politiques migratoires affectent les mobilités des personnes en situation irrégulière. Enfin, nous examinerons quelles tactiques sont déployées pour échapper aux contrôles et arrestations au quotidien.
Tours d’habitation à Esenyurt, Julie Lavayssiere
Radha est un jeune homme pakistanais qui vit à Istanbul depuis dix ans. Il vient d’une région à la frontière de l’Afghanistan et se présente comme pachtoune. Il est arrivé à Istanbul par bus, depuis l’Est du pays et ne connait initialement personne dans la ville. Après quelques jours, un ami du « köy » (village) lui envoie le contact d’un homme pakistanais installé en Turquie depuis six mois et qui est çekçek (collecteur de déchets). Il emménage dans le logement de l’homme, un appartement en sous-sol dans le quartier de Bahçelievler, à une dizaine de kilomètres du centre historique, appartement qui abrite une quarantaine d’hommes migrants, la plupart en situation irrégulière, Afghans, Pakistanais et Syriens. Il y reste deux mois avant de trouver une place pour lui et son compatriote dans une chambre aménagée dans une ancienne usine du sud de Beykoz sur la rive asiatique avec 50 à 80 autres hommes suivant les périodes. Les quatre logements qu’il a occupé depuis sont situés dans le même périmètre, à proximité de ce qu’il nomme Beykoz meydanı[4] où il se rend chaque jour pendant cinq ans pour tenter d’être embauché pour des travaux de terrassement et de nettoyage sur les chantiers d’Istanbul, payé à la journée.
Alpha et Kensia, lui Guinéen arrivé en 2020, elle Haïtienne arrivée en 2021, ils ont tous les deux trouvés une place dans une chambre via des ami•es de compatriotes. Leurs deux chambres sont situées à Esenyurt[5] à l’ouest d’Istanbul et c’est dans le même quartier qu’ils trouvent un premier emploi, par l’intermédiaire d’un tiers : un Africain pour Alpha, un Turc rencontré dans la rue pour Kensia, dans des usines de fabrication de jean ou de couture, embauchés le jour-même pour près de 400 euros par mois. Quand ils ont changé de logement, les deux en ont trouvé un à proximité du précédent et donc de leur travail, parfois dans la même rue.
A partir du journal de terrain des 14.06,2023, 08.07.2023 et 17.07.2023
Pour Radha, Alpha et Kensia, une fois fraichement débarqués à Istanbul, à la descente du bus ou au sortir de l’avion, le choix du lieu d’installation s’est fait selon une même logique, celle d’une agrégation influencée par les réseaux de sociabilités qu’elle soit à l’échelle du district, du quartier voire du logement lui-même. Les personnes exilées, qu’elles soient en situation régulière ou non sur le territoire, vont favoriser leur installation dans des quartiers dans lesquels elles ont des compatriotes, ami•es ou connaissances plus lointaines. Ces compatriotes vont alors jouer le rôle d’intermédiaires et faciliter leur accès au logement dans un premier temps, puis à l’emploi parfois. Ce processus d’installation par agrégation participe donc à organiser la répartition des groupes sociaux dans la ville tout en permettant par la suite un « moment facilitateur d’une insertion dans la ville et la société » à travers « l’entre-soi immigré » (Haumont 1996).
1. Aller au plus proche, un processus par agrégation de l’installation dans la ville
Les quartiers d’installation des personnes exilées rencontrées semblent regrouper plusieurs critères : des logements où les personnes migrantes sont acceptées ; des opportunités de travail à proximité ; et, parce que le logement et le travail sont bien souvent trouvés par l’intermédiaire de compatriotes, une communauté ethnique ou linguistique implantée.
En effet, tous les logements ne sont pas accessibles aux personnes exilées, qu’il s’agisse de raisons économiques ou de critères racistes imputés aux propriétaires par les personnes enquêtées. Dans le cas de Radha, la chambre minuscule et humide qu’il occupe actuellement avec trois autres hommes au sous-sol d’une maison est très peu chère, 30 euros par mois sans les charges. Le prix se situe bien en-deçà du prix du marché à Istanbul, mais il ajoute qu’ « aucun Turc ne voudrait vivre là », ce qui lui a donné des éléments pour négocier avec les propriétaires quand ceux-ci ont voulu multiplier le prix du loyer par trois. Au contraire, plusieurs personnes originaires d’Afrique, du Ghana, de Guinée ou d’Haïti payent des loyers jugés relativement chers pour des places dans des chambres partagées dans des quartiers dégradés ou aux périphéries d’Istanbul. Daniel, rencontrée dans un salon de coiffure de Tarlabașı en plein centre de Beyoğlu explique qu’ « [il] vit dans ce quartier car les gens sont racistes. La plupart ne veulent pas louer à des Noirs. Ici ils acceptent mais ils nous font payer cher, ils savent qu’on n’a pas beaucoup d’autres choix, c’est ça ou rien ». Lamine, jeune homme Guinéen de Conakry qui vit à Esenyurt depuis deux ans, confirme son propos : « Je connais les Turcs, avec l’argent c’est bon, il y en a même qui me contactent car ils savent que les Africains louent plus chers que les Turcs ». Dans un contexte d’opportunités résidentielles limitées par des discriminants ethniques et/ou raciaux, les personnes migrantes recourent donc à des réseaux sociaux qui leurs sont propres pour trouver un logement.
2. Des informations et des opportunités qui circulent au cœur des « centralités immigrées »
Les informations relatives au logement ou au travail circulent au sein de réseaux de communautés ethniques, linguistiques, voire plus larges, venant renforcer les agrégations dans ces deux secteurs. « Tout le monde partage les informations à propos des places libres [dans les chambres] » rapporte Radha. – celui-ci base son réseau sur des personnes de l’ethnie pachtoune, non pas qu’il ait « de la haine envers les autres ethnies, c’est juste qu’on ne peut pas communiquer » en raison de la langue. Pour Daniel non plus, la diffusion des informations n’est pas limitée à une communauté nationale : « Ce ne sont pas juste les Ghanéens, ce sont tous les africains [il emmêle ses doigts] Solidaires, tous les africains, ça va au-delà des nationalités ».
Et chaque personne qui a reçu de l’aide en prodigue à son tour, qu’elle soit gratuite ou qu’elle donne lieu à une contrepartie. Une fois qu’il a intégré son nouveau logement dans le sous-sol d’une maison, Radha a fait venir deux personnes avec qui il avait vécu dans l’usine emménagée, quand des places se sont libérées. Lamine utilise ses capacités linguistiques en turc et son expérience pour faciliter les échanges entre nouveaux•elles arrivant•es et agences immobilières turques quand il s’agit de trouver un logement et ainsi obtenir des prix raisonnables. Mais il en profite également pour récupérer une commission sur la transaction, ce qui arrondit ses fins de mois : « S’il y a des gens qui cherchent la maison, je parle la langue, je pars dans les agences, elles me donnent 200-400 tl [8-16 euros]. Si lui il part [directement dans une agence], ils vont demander plus [de loyer] ». Pareil en matière de travail, il introduit des amis auprès de son propre employeur, dans une usine de façonnement du métal ou démarche des employeurs à proximité en les assurant du sérieux de la personne qu’il présente : « Si une entreprise cherche, j’impose mes règles : si je trouve, tu me donnes 500 tl [20 euros]. La personne y va, elle est acceptée, mes 500 tl sont assurés ». Plus récemment, lui et ses amis ont formalisés ces réseaux d’informations à travers un groupe Whatsapp : « Offres d’emploi Turquie » à destination des étanger•es francophones d’Esenyurt sur lequel s’échangent les informations sur les recrutements des fabrika, usines alentours, mais aussi sur les logements disponibles et les contrôles policiers, de plus en plus nombreux. Ce groupe compte plus de 400 personnes à ce jour. De temps en temps, les membres cotisent pour organiser le paiement d’actes médicaux ou d’un•e avocat•e pour telle ou telle personne du groupe.
Ces réseaux ont donc influé sur le choix des quartiers d’installation des nouveaux•elles migrant•es à Istanbul ainsi qu’ils ont donné lieu à des opportunités en termes d’emploi ou d’habitat. Ils ont également une fonction secondaire : faciliter les mobilités au quotidien des membres de ces réseaux qui sont sans-papiers. En effet, y circulent également, sur les groupes Whatsapp, sur TikTok ou par téléphone, des informations concernant les contrôles d’identité à proximité, permettant de déjouer les présences policières et les risques d’arrestations qui se sont démultipliées depuis 2019 en Turquie. Et de fait, les « centralités immigrées » (Toubon et Messamah 1990) créées par ce processus d’agrégation sont des « lieux où il est possible de rencontrer des compatriotes, de bénéficier de solidarité et d’une sociabilité de rue mais qui font également l’objet de contrôles d’identité réguliers voire d’opérations policières massives » (Le Courant 2022:119).
Depuis 2019, les contrôles d’identité, arrestations et expulsions se sont renforcés en Turquie, sous la pression de la société et de l’opposition. Ce changement dans les politiques migratoires, qui jusque-là prônaient l’accueil des « frères » dans le contexte de la guerre en Syrie[6], a eu un réel impact sur le quotidien des personnes rencontrées durant cette enquête. Qu’ils soient avec ou sans papiers, les personnes exilées sont plus souvent ciblées par les contrôles d’identité et même ceux qui sont en situation régulière sur le territoire disent ne pas être à l’abri d’une arrestation car « les droits humains ne sont pas respectés ». Pour autant, les exilés issus d’Afrique expriment être moins visés que les autres. Selon Lamine : « C’est surtout les Blancs : les Afghans, les Pakistanais, les Iraniens. Nous, les Turcs ils savent qu’on n’est pas là pour causer des problèmes, qu’on est étudiants. On travaille, on est tranquilles donc ils nous laissent tranquilles. Il y a une certaine tolérance envers les personnes africaines ». Pour autant, que ce soit à Esenyurt dans un café ou dans un sous-sol à Beykoz, la majorité des personnes rencontrées ont fait un ou plusieurs séjours en centre de rétention, à Tuzla et dans d’autres villes de Turquie, comme Radha qui a été arrêté cinq fois en quatre ans et qui a passé jusqu’à quatre mois d’affilés en centres de rétention. Lamine est passé entre les mailles du filet « c’est parce que je connais ». Siaka, qui m’a introduit auprès de ses amis à Esenyurt, explique qu’il faut savoir parler turc, négocier, expliquer auprès de la police, pour pouvoir en réchapper, même pour lui qui a un titre de séjour étudiant dans une autre ville[7]. Moins de femmes sont contrôlées ou interpellées disent-ils d’un commun accord, pour autant les mobilités sont tout aussi contraintes.
1. « Avant j’étais heureux, je marchais dans la rue », l’impact de l’irrégularité de séjour sur le quotidien
Les effets des changements de politiques migratoires opérés en 2019, de l’augmentation des contrôles d’identité dans l’espace public et des expulsions, sont triples :
Tout d’abord sur le sentiment de sécurité des personnes rencontrées au quotidien. Ainsi, la capacité à se sentir en sécurité est décrite comme étant désormais réduite à certains lieux , les « sanctuaires » décrits par Stefan Le Courant à Paris au sujet des personnes sans-papiers (Le Courant 2022:120). Ceux-ci varient d’une personne à l’autre : pour la plupart il s’agit de leur logement, parfois restreint à la chambre qu’ils et elles occupent, « personne ne me dérange chez moi » résume Lamine ; le lieu du travail parfois aussi mais pas le trajet entre les deux ; et pour deux de mes interlocuteurs, le café où ils passent leurs week-ends et où le passé de policier du gérant leur assurerait la tenue à distance de la police. En dehors de ces lieux « Tu n’as pas la paix au cœur » disent-ils. Mais même dans ces lieux-là, la moindre sirène les fait réagir, regarder, s’assurer que ce n’est pas pour eux : Radha regarde à plusieurs reprises par le fenêtre deux agents d’IETT, l’entreprise de transports publics, qui s’attardent devant la fenêtre de son logement avant de s’assurer auprès d’un ami qu’ils n’ont pas de lien avec la police ; quand il entend une sirène dans la rue, Lamine regarde par la baie vitrée du café, se lève puis se rassoit : « c’est juste la zabita [la police municipale] ». Eux-mêmes reconnaissent la paranoïa qui les envahit, Radha explique qu’il craint surtout les policiers en civil, « quand on va faire les courses, on a l’impression que tout le monde nous regarde. On fait attention à comment on s’habille, à quoi on ressemble ». Ils tentent ainsi d’adopter un « corps normé » (Guenebeaud et Lendaro 2020:92) et transforment leur apparence pour se rapprocher d’un corps « insoupçonnabledans les espaces publics, transparent à l’identification policière » (ibid), sans pour autant réussir à échapper complètement aux critères policiers des corps à contrôler : « Mais quand la police nous voit, ils nous reconnaissent directement ». Alors quand Lamine se réveille avec un mauvais pressentiment, « si je ne me sens pas à l’aise, je ne sors pas ».
Cartes 1 Déplacements et « orbites habituels » des personnes enquêtées dans le quartier. Julie Lavayssiere
Cartes 2 Déplacements et « orbites habituels » des personnes enquêtées dans le quartier. Julie Lavayssiere
Et de fait, chacun et chacune détaillent la façon dont ils et elles ont limité leurs déplacements et ont réduit leurs « orbites habituels » (Pétonnet 2012) pour ne pas prendre de risques car, comme dira Lamine, « Vaut mieux prévenir que guérir, vaut mieux pas sortir ». Kensia n’est pas sortie de son appartement pendant deux mois une fois que son titre de séjour a expiré, un ami lui emmenait à manger et l’argent envoyé par ses parents ; ses amies ne venaient plus la visiter, elles aussi étaient sans-papiers ; Radha et ses colocataires se relaient pour sortir la nuit, pour chercher du pain et revenir, jamais plus (carte 1) ; ils ne vont plus à la mosquée, même pour les fêtes religieuses ; Alpha et Lamine se déplacent quasi-exclusivement dans le périmètre défini par leur logement, leur travail et le café, à moins de dix minutes à pied les uns des autres (carte 2). La dernière fois qu’Alpha est sorti de ce périmètre, il y a un mois, pour rendre visite à sa petite amie, il est allé jusqu’à l’arrêt de metrobüs en empruntant un dolmuș (minibus). La police se trouvait sur la passerelle qui enjambe l’autoroute et permet d’accéder au metrobüs, il a fait demi-tour et est rentré chez lui.
Cette immobilité forcée impacte bien sûr les possibilités de travailler[8]. Car le travail doit se trouver dans un périmètre suffisamment restreint pour que le risque pris pour s’y rendre soit jugé acceptable. Radha a arrêté de se rendre à Beykoz meydanı depuis quatre ans car, selon lui, la police connaît le lieu et fait régulièrement des contrôles d’identité aux alentours. Il ajoute que seuls les hommes migrants qui possèdent des papiers s’y rendent désormais. Alors il attend que les employeurs qu’il connaît depuis des années aient besoin de lui, un jour ou deux toutes les deux semaines, et il s’y rend en taxi pour ne pas avoir à sortir dans la rue, utilisant pour ce faire parfois la moitié du salaire obtenu. Si c’est trop loin, ça ne vaut plus le coup et il refuse, « même si le travail est bon [facile à trouver], on ne peut pas y aller ». Son colocataire, lui, a abandonné l’idée de travailler, c’est trop dangereux. Une femme souligne la dépendance accrue aux employeurs, ils connaissent la situation des personnes sans-papiers qui ne sont que plus dépendantes de leur travail, prêtes à enchainer les heures supplémentaires pour conserver leur emploi.
2. « Les femmes, vous êtes insignifiantes, vous êtes des objets à sexe »[9], les mobilités des femmes exilées doublement contrariées
Les interlocuteur•trices rencontré•es lors de cette enquête, hommes et femmes exilé•es, membres d’association, s’accordent à dire que les femmes exilées sont moins ciblées par les opérations de contrôles d’identité et leurs mobilités semblent donc moins affectées par cette raison, bien qu’elles conservent une vigilance importante lors de leurs déplacements. Ainsi, la petite amie d’Alpha, qui vit à Avcılar à huit kilomètres de chez lui, parcourt la distance qui les sépare pour le voir car son déplacement est jugé moins dangereux que celui d’Alpha, « ça ne lui fait pas peur » bien qu’elle soit elle-même sans-papiers, dit-il. Cependant, elle ne se déplace qu’à des horaires précis et Alpha s’assure de l’absence de police à ce moment-là à Esenyurt. Deux membres de l’association UGKDD[10] à destination des femmes exilées expliquent que les risques principaux d’arrestations pour les femmes se présentent lors des tentatives de passage de la frontière vers la Grèce ou la Bulgarie et lorsqu’elles sont, à tort ou à raison, identifiée par la police comme des travailleuses du sexe. Quand j’interroge les femmes sur ces différences de traitement de la part de la police, elles expliquent que ce sont les effets d’une société conservatrice et patriarcale : d’une part, les femmes migrantes représentent moins un danger que les hommes dans l’esprit de la société et des policiers, « je [policier] ne pense pas que tu [femme exilée] ne puisse faire quoi que ce soit » et sont donc moins visées par la police ; de l’autre, elles sont largement sexualisées, notamment les femmes noires, et identifiées à des travailleuses du sexe. C’est-ce qu’explique Kensia, qui est retournée en Haïti après avoir « vécu un enfer » d’un an et demi en Turquie :
« Les femmes [migrantes], vous êtes insignifiantes [en Turquie], vous êtes des objets à sexe et c’est tout. Vous êtes obligées de vous couvrir et de vous méfier, surtout les Noires. Vous pouvez pas porter de tenues courtes, la façon dont on vous regarde… Partout où vous passez, les Turcs vous pensent comme des prostituées, on vous propose de l’argent, les jeunes, les vieux, ils pensent tous de la même façon. […] Même en pleine rue, ils vous proposent de coucher avec eux, pour 100 liras ou même gratuitement. C’est pour cette raison que j’avais peur de marcher dans les rues. Si c’était une heure [du matin], je sors pas. Je sors en plein jour seulement, de 10 heures à 17 heures ».
Kensia, entretien du 17.07.2023
Ainsi, à la peur, réelle bien que moins effective, des contrôles d’identité, des arrestations, des expulsions s’ajoutent, pour les femmes migrantes, des enjeux de sécurité vis-à-vis du harcèlement et des violences sexuelles. Ces deux paramètres combinés exercent un fort pouvoir sur leur capacité à se déplacer, quitte à y renoncer totalement pour certaines. Mais, à l’instar d’Alpha et de sa copine quand ils souhaitent se voir, hommes et femmes migrantes mettent en place des tactiques pour résister à l’immobilité à laquelle ils et elles sont assigné•es et pour continuer de pratiquer les déplacements qu’ils et elles ont décidé de conserver : ceux pour aller travailler, pour faire les courses, répondre aux imprévus ou tenter de passer la frontière.
« A l’intérieur du champ de vision de l’ennemi », les personnes exilées se meuvent, utilisent « les failles que les conjonctures particulières ouvrent dans la surveillance du pouvoir propriétaire » (De Certeau 1990:61). Elles développent des tactiques qui leur permettent « d’être là où on ne [les] attend pas », usant ainsi de l’art du faible (ibid). Les tactiques de présence et de déplacement décrites par les interlocuteu•trices relèvent de plusieurs catégories : choisir les espaces où l’on se tient ; reconnaître l’anomalie qui signe un danger et savoir en réchapper ; adapter les moyens de se déplacer dans la ville.
1. « Je maîtrise le quartier », une connaissance spatiale et sociale nécessaire
« Il y a beaucoup d’étrangers ici, ils ne peuvent pas prendre [contrôler, arrêter] tout le monde. Si tu es le seul Noir [dans un quartier, une rue], tu es directement ciblé [par les contrôles d’identité] ».
Lamine, entretien du 01.07.2023
La première tactique qui ressort des discours des personnes exilées rencontrées est liée aux espaces dans lesquels elles se meuvent. Au-delà des lieux qui leur procurent un sentiment de sécurité, elles pratiquent au quotidien des espaces urbains, la rue, les transports, dans lesquels persistent un risque : celui d’une arrestation. Alors il convient d’évaluer ce risque et d’en jouer, ou plutôt de le déjouer. Ainsi, Lamine souligne qu’Esenyurt est à son sens un district plus sécurisant car il s’y fond parmi les autres personnes noires qui résident dans le quartier et il réduit ainsi ses chances d’être contrôlé personnellement.
Déjouer le danger, c’est aussi connaître l’organisation spatiale des espaces pratiqués, leurs géographies, y compris pour les lieux jugés sécurisants : au café, Lamine s’assoit un peu en recul, son fauteuil tourné vers la porte, et si jamais les policiers y pénètrent, il sait par où sortir et quelles rues prendre pour rentrer chez lui ; pareil au travail. De ces mots, il « maîtrise le quartier » et sait les portes et ruelles par lesquels il peut s’échapper.
Enfin, il faut manier le temps : au contraire de Kensia qui ne sort qu’en plein jour pour limiter le risque de harcèlement sexuel, Radha et ses colocataires ne sortent eux que la nuit pour être moins reconnaissables en tant que persona non grata ciblée par les policiers. Le groupe d’exilés guinéens rencontré à Esenyurt réfléchissent en termes d’horaires, celles où les contrôles sont le plus susceptibles d’avoir lieu, mais leurs analyses diffèrent : pour l’un il faut éviter de se déplacer entre 10 heures et 17 heures ; pour l’autre, les contrôles ont le plus souvent lieu entre 11h et 14h puis entre 19h et 22h. Et même avec ces connaissances, cette maîtrise du temps, ils rappellent qu’ils ne sont pas à l’abri de contrôles en dehors de ces horaires. Alors d’autres paramètres entrent en jeu, notamment voir et reconnaitre le danger.
2. Un jeu de regards, repérer le danger avant qu’il ne vous repère
« Dans la rue, je ne manipule pas mon téléphone, je vais être très vigilant. Si je vois quelqu’un qui me regarde, je change la direction. Si on me suit, je cherche à me cacher ».
Alpha, entretien du 08.07.2023
A plusieurs reprises, les hommes exilés interrogés reviennent sur l’importance du regard : celui qu’un homme dans la rue porterait sur eux, signe d’un danger potentiel, de la possibilité que cet homme soit un policier en civil ; et celui qu’eux vont aiguiser pour reconnaître ou écarter la possibilité d’un danger imminent. C’est le « problème circulaire du dissimulateur » (Goffman 1973:265), c’est-à-dire repérer le policier avant que celui-ci ne s’aperçoive qu’il a été reconnu comme source d’alarme. Alors ils expliquent les signes, les détails qui leur permettent de reconnaître l’anormalité de la situation. Pour Lamine c’est avant tout le renflement au niveau de la ceinture que causerait le port d’une arme cachée sous le tee-shirt d’un policier en civil. Mais c’est aussi « leurs chaussures. Ils peuvent s’habiller [en civil] mais leurs chaussures ils changent pas, et ils aiment les logos [sur les tee-shirts] ». Il assure également connaître les différents corps de police, de la police municipale aux forces spéciales, et leur habilitation à posséder une arme. S’ils n’en ont pas, il peut toujours forcer le contrôle et fuir. Quant à Alpha, il reconnaît le danger dans l’anormalité : « s’il y a plusieurs Turcs qui discutent ensemble dans ce quartier, c’est des policiers, il n’y a pas de Turcs ici [à Esenyurt] », ou encore à travers un pull porté l’été, qui viserait à cacher le tee-shirt floqué police : « quand il fait chaud dehors et qu’ils ont un pull, c’est la police ». Pour les deux, la réponse est immédiate et semblable : ils changent de rue, se cachent, « je les vois à distance et je pars sur le côté ». Ils se basent sur ces détails, déduits de leurs connaissances ou estimés étant des anomalies, pour décider de la réaction à avoir, quitte à mésinterpréter la situation et à fuir quand ce n’est pas nécessaire.
3. « Quand je vais en ville », se déplacer au-delà du quartier bien connu
« Si je vais en ville, je prends le dolmuș, je descends à Avcılar, je prends le metrobüs jusqu’à Cevizlibağ, je prends pas le tramway, je prends le dolmuș, je vais derrière Aksaray. Je connais, j’ai l’habitude ».
Lamine, entretien du 01.07.2023
De même que dans le quartier, les déplacements dans la ville, moins nombreux, plus redoutés, sont planifiés à l’avance. Les personnes réfléchissent à la fois à l’itinéraire pris pour se rendre au lieu voulu et au moyen de transport adopté (voir carte 3). Lamine n’est pas sorti du quartier depuis un mois et demi. Il ne sort « en ville », généralement pour aller vers Aksaray ou Kumkapı, que s’il doit aider un ami. S’il sort, il ne prend pas le busjusqu’à l’arrêt de metrobüs le plus proche mais il va chercher des stations plus lointaines, jugées moins contrôlées. De même, il évite le bus ou le tramway et préfère le dolmuș, qui emprunte des plus petites rues et, jusqu’à présent, moins sujets aux contrôles policiers. Le trajet qui devrait prendre une heure lui en demande deux. Pour autant, ses tactiques semblent payer : Lamine souligne qu’il n’a jamais été arrêté à ce jour. Radha ne sort de chez lui que pour travailler dans un hangar à Atașehir, à une vingtaine de kilomètres au sud de son logement, de temps en temps, quand l’employeur qu’il connait bien sollicite ses services. Il ne prendra pas les transports en commun ni n’importe quel taxi : Radha appelle toujours le même taxi pour le conduire car celui-ci évite les barrages. Il part alors avec ses colocataires recrutés à cette occasion, selon les besoins exprimés de l’employeur, de la porte de son logement au hangar où ils passeront dix à douze heures. Puis le taxi les reprend et les redépose devant leur logement. Si le taxi n’est pas disponible, un ami qui a des papiers occupe cette fonction. Sans ça, il ne va pas travailler. De même, il refuse l’emploi s’il est seul à travailler car les 700 liras gagnés dans la journée financeront majoritairement le taxi à 200 liras le trajet donc sa journée ne sera pas rentable.
Carte 3 Déplacements occasionnels des personnes enquêtées au-delà des quartiers de résidence. Julie Lavayssiere
Ces tactiques mobilisées par les personnes exilées sans-papiers relèvent d’un « savoir-circuler » (Le Courant 2022:114) qui regroupe à la fois une maîtrise de l’espace géographique, du temps et de la société dans laquelle elles évoluent, dans le but de devenir invisible aux yeux de la société et particulièrement à ceux de la police[11] (Danış 2006:19). Cependant, leurs tactiques restent contraintes dans un cadre coercitif qui les obligent, sur bien des aspects, à se plier à lui ou à se mouvoir à l’intérieur de celui-ci, à ruser dans l’espace défini, sans parvenir à s’en extraire. Ces contraintes fortes qui s’exercent sur leur quotidien affectent également leur capacité à se projeter à Istanbul et en Turquie, à imaginer une quelconque vie future possible ou à développer un sentiment d’appartenance, comme elles ont pu en faire part lors des entretiens.
Lors des entretiens menés, les personnes interrogées ont pu faire part de leurs volontés respectives de départ de la Turquie, au plus vite. En raison de la peur voire de la paranoïa qui enserrent leurs quotidiens, de l’impossibilité de circuler librement, des conditions de travail harassantes sans pour autant avoir la capacité de mettre de l’argent de côté, de politiques d’accueil des migrant•es qui se délitent, ils et elles témoignent de l’absence de perspectives d’amélioration de leurs conditions de vie sur les années à venir. Cette absence de perspectives affecte leurs projections d’installation et/ou leurs temporalités migratoires. Pour Radha et ses colocataires, pour qui la Turquie n’a toujours représenté qu’une étape, il devient pressant de passer la frontière. Mais les plans changent pour Lamine et d’autres interlocuteur•trices Guinéen•nes qui avaient pour projet de demeurer en Turquie. Il est alors question d’aller plus loin, vers l’Europe, ou de retourner bientôt au pays de départ. Ces futures mobilités, contraintes elles-aussi par le contrôle des frontières, font appel à d’autres formes de « savoir-circuler ».
Pour aller plus loin : voir l’article « Les effets de l’immobilisme sur les projections migratoires » (voir PDF)
Cet article rend compte des immobilités contraintes des personnes exilées sans-papiers à partir d’un terrain mené entre mai et juillet 2023 à Istanbul. Ce travail auprès des « fantômes d’Istanbul »[12] est basé sur des observations menées dans différents districts d’Istanbul (Tarlabașı à Beyoğlu, Kumkapı à Fatih, Beykoz, Esenyurt), auprès d’une vingtaine d’interlocuteur•trices rencontré•es au fil des observations et lors de sept entretiens semi-directifs avec des personnes exilées sans-papiers, issues du Pakistan, d’Afghanistan, de Guinée et d’Haïti, ou des membres de structures associatives[13].
Étant donné l’invisibilité à laquelle aspirent les personnes sans-papiers avec lesquelles je me suis entretenue, elles m’ont, pour la plupart, été présentées par des tiers en situation régulière, ami•es et voisin•es, ou par des membres d’association considérés comme personnes de confiance. Les entretiens avec les personnes en situation irrégulière ont par la suite été menés directement dans les logements des personnes quand celles-ci étaient assignées par peur des contrôles policiers ou dans des cafés à proximité directe de leurs logements. La quantité de données recueillies au cours de ce terrain auprès des personnes en situation irrégulière s’est trouvée impactée à la fois par le temps disponible pour effectuer ce travail et par les difficultés de prise de contact avec les personnes exilées sans-papiers dans le contexte des élections puis du durcissement des contrôles d’identité. Ces données ont cependant été complétées par le suivi au jour le jour des élections puis des opérations de contrôles d’identité à travers la presse turque et les réseaux sociaux.
Enfin, différentes lectures scientifiques et rencontres avec des chercheur•ses ont permis une compréhension plus fine des matériaux récoltés. Je tiens notamment à remercier, pour ne citer qu’eux•elles : la chercheuse Gülçin Erdi qui m’a largement accueilli au sein de l’IFEA et m’a conseillé dans mes recherches ; la chercheuse Didem Danış qui a dirigé le rapport « Integration in limbo ». Iraki, Afghan, Maghrebi and Iranian Migrants in Istanbul, publié en 2006 et qui m’a éclairé de ses connaissances ; les différents membres de l’IFEA pour leur accueil et leur précieuse amitié ; et enfin les doctorants Alexander Ephrussi et Francesco Maria Pasta avec qui j’ai échangé réflexions et questionnements tout au long de ce terrain.
Danış, Didem. 2006. Integration “in limbo”. Iraki, Afghan, Maghrebi and Iranian Migrants in Istanbul. Bilgi University. Istanbul.
Danış, Didem, et Deniz Sert. 2021. Ghosts of Istanbul : Afghans at the margins of precarity. Istanbul: Göç Araștımaları Derneği.
De Certeau, Michel. 1990. L’invention du quotidien. 1. Arts de faire. Gallimard. Paris.
Goffman, Erving. 1973. La Présentation de soi. La Mise en scène de la vie quotidienne 1. Éditions de Minuit.
Guenebeaud, Camille, et Annalisa Lendaro. 2020. « Mettre le feu aux poudres ou passer inaperçu ? Stratégies de résistance à Lampedusa et à Calais ». Cultures et conflits 117:79‑96.
Haumont Nicole. 1996. La ville : agrégation et ségrégation sociales. L’Harmattan. Paris.
Le Courant, Stéfan. 2022. Vivre sous la menace. Les sans-papiers et l’État. Seuil. Paris.
Pétonnet, Colette. 2012. On est tous dans le brouillard. Essai d’ethnologie urbaine. CTHS. Paris.
Toubon, Jean-Claude, et Khelifa Messamah. 1990. Centralité immigrée. Le quartier de la Goutte d’Or. Dynamique d’un espace pluriethnique. L’Harmattan. Paris.
[1] La Direction de Gestion des Migrations a déclaré que 4 893 752 de migrant•es, göçmen, vivent actuellement en Turquie (de manière régulière) dans une déclaration faite le 16.07.2023. Cette déclaration annonçait notamment la fermeture à l’enregistrement de nouveaux étrangers dans les quartiers dont le pourcentage d’étrangers est de plus de 20% de la population totale. Par cette déclaration, le gouvernement réfute les chiffres relayés sur les réseaux sociaux, notamment lors de la campagne présidentielle, qui estiment à dix millions le nombre de migrant•es, en situation régulière ou non, en Turquie. https://www.ntv.com.tr/turkiye/turkiyede-kac-gocmen-var-goc-idaresi-son-verileri-paylasti,DGv3UJ9yV06HejWNUBBSGg – :~:text=Ülkemiz genelinde göçmen sayısı 4 milyon 893 bin 752%27dir
[2] « Migrants illégaux » ou kaçak göçmen est une expression particulièrement présente dans les médias et sur les réseaux sociaux. Elle désigne les personnes exilées qui ne possèdent pas de titres de séjour réguliers dans la ville dans laquelle ils ont été contrôlés. Dans cet article, nous y préfèrerons l’expression « personnes exilées sans-papiers ».
[3] Ministère de l’Intérieur de la République Turque, le 3 décembre 2022. En 2022, désignée comme « année record », la Turquie a procédé à 263 136 arrestations et 109 816 expulsions. Le taux d’expulsions grimpe à 70% pour les personnes exilées afghanes et 94% pour les pakistanaises. https://www.icisleri.gov.tr/turkiye-2022de-yaklasik-110000-duzensiz-gocmeni-sinir-disi-etti.
[4] C’est-à-dire le lieu où se rencontrent les personnes exilées en recherche d’emplois à la journée et les potentiels employeurs turcs. Ce lieu est également désigné par l’expression « the Afghan bazaar » dans le rapport du Göç Araștımaları Derneği (Danış et Sert 2021:31).
[5] Esenyurt est un district de l’ouest d’Istanbul, éloigné de plus de 30 kilomètres du centre historique et abritant près d’un million de personnes dont au moins 20% sont étrangères selon a Direction de l’Immigration à Istanbul (https://istanbul.goc.gov.tr/istanbul-ilinde-bulunan-yabancilar-hakkinda-...), voire une personne sur trois slon la presse (https://www.cumhuriyet.com.tr/turkiye/esenyurtta-her-uc-kisiden-biri-gocmen-2013220#google_vignette)
[6] Voir la communication de la chercheuse Solène Poyraz, interviewée par France Culture le 17 mai 2023 dans le cadre des élections présidentielles en Turquie, « En Turquie, la politique a énormément investi dans un discours antisyrien », https://www.radiofrance.fr/franceculture/en-turquie-la-politique-a-enormement-investi-dans-un-discours-antisyrien-1674165
[7] En Turquie, les demandeur.es d’asile en attente de réinstallation, les bénéficiaires de protection temporaire se voient assigné•es à une ville. En dehors de cette ville et sans autorisation des autorités locales, ils et elles sont en irrégularité. Il en est de même pour les étudiant•es étranger•es bénéficiant d’un titre de séjour en ce sens : sans autorisation de déplacement, ils peuvent être arrêtés, c’est à la discrétion des agents de police qui les contrôlent.
[8] Il est à noter que les personnes enquêtées, qu’elles aient des papiers ou non, se perçoivent comme assignées à certains travaux, les çabuk çabuk, expression qui désigne les travaux pénibles, souvent en usine, dont le maître-mot est çabuk, « plus vite » ou encore au kargo, c’est-à-dire au commerce d’import-export, souvent de vêtements, vers les pays africains. La mobilité professionnelle leur semble impossible, quel que soit le temps passé en Turquie ou le niveau de diplôme. L’immobilité spatiale est donc doublée d’une impossible ascension professionnelle.
[9] Extrait de l’entretien avec Kensia, jeune femme haïtienne, le 17.07.2023.
[10] UGKDD ou Uluslararası Göçmen Kadınlar Dayanıșma Derneği, est une association créée en 2016 par des militantes féministes « par des femmes migrantes, pour des femmes migrantes » et qui a pour objectif de « créer des ponts » pour répondre aux besoins des femmes exilées, avec ou sans-papiers.
[11] Si cette invisibilité est recherchée par les interlocuteurs•trices rencontrées sur ce terrain, ce n’est pas le cas de toutes les personnes exilées sans-papiers à Istanbul. Voir pour cela les travaux en cours d’Alexander Ephrussi, doctorant à l’Université de Genêve. Au sujet des mécanismes de mise en visibilité mobilisés par les jeunes Afghans d’ethnies turkmènes ou ouzbeks à Istanbul.
[12] Cette expression est notamment utilisée dans le rapport mené par l’association de recherche sur les migrations (GAR) à propos des personnes exilées afghanes sans-papiers à Istanbul (Danış et Sert 2021:31) mais également par la membre d’une association d’aide aux femmes migrantes (UGKDD) : « They try to be unknown, living like ghosts ».
[13] Deux associations ont été rencontrées dans le cadre de cette recherche :
IFEA - Istanbul
La Conférence Internationale sur la Reconstruction et...
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The panel report has been prepared by Julie Gloannec and...
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Compte rendu de l’excursion urbaine du 19 janvier 2024
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(compte rendu de l’excursion urbaine du 8 novembre 2023)
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par Julie Gloannec*
« Enfant de Gezi »[1], la Défense des...
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Zélie Fourquier, Analyser les reconfigurations spatiales d’...
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(Compte rendu de l’excursion urbaine n° 3)
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