Le CEDEJ (Centre d’Études et de Documentation Économiques, Juridiques et Sociales) lance un appel à contribution d’articles sur les nouvelles luttes liées au genre en Egypte depuis 2011, pour le prochain numéro de sa revue Egypte/Monde arabe (http://ema.revues.org/?lang=fr).

Depuis le soulèvement de début 2011, différentes problématiques liées au genre sont apparues dans le cadre de la mobilisation et de la contestation révolutionnaire en Egypte. Les 18 premiers jours et les phases suivantes ont permis de constater comment la libéralisation économique avait déjà affecté le « marché patriarcal » en sapant les notions traditionnelles de masculinité, comme l’ont observé nombre de chercheurs. Les relations de genre étaient déjà en évolution, tout comme les relations entre les citoyens égyptiens et l’Etat.

Dans le contexte post-2011 de contestation, ces deux ensembles ont été remis en question de différentes manières. De nouvelles représentations de la masculinité et de la féminité ont émergé : celle du jeune révolutionnaire viril et sans peur, défiant la mort sur les premières lignes contre la police ; celle des dignes mères de martyrs révolutionnaires ; celle des activistes femmes ou hommes menant, d’une même voix politique, des foules de manifestants scandant des slogans. De la remise en cause de la répartition des rôles de genre à la résistance à la violence liée au genre dans la sphère publique, et à la revendication du droit des femmes à l’inclusion en tant que sujets politiques, les nouvelles luttes liées au genre se multiplient.

Cependant, elles semblent souvent être partout et nulle part à la fois dans l’Egypte post-2011. Les résultats concrets de ces luttes peuvent être difficiles à cerner, et les acteurs peuvent subir un contrecoup considérable. Par la révolte contre la production du corps par l’Etat comme objet politique passif, le corps est devenu un lieu de contestation à différents niveaux. Les réactions contre les femmes brisant la peur du déshonneur public et revendiquant la propriété de leur corps, sont venues de l’Etat et ses tactiques de domination par la violence et l’intimidation, mais aussi de la société. L’objectification sexuelle des femmes défiant la restriction aux espaces qui leur sont « traditionnellement » dévolus, a atteint son paroxysme depuis 2012 en des vagues croissantes d’agressions sexuelles collectives et viols de femmes dans les grands rassemblements politiques au Caire. Ces crimes brutaux ne peuvent être dissociés du problème de complicité sociétale avec la violence liée au genre à travers la stigmatisation des victimes et la justification du harcèlement sexuel constant des femmes dans la rue.

Depuis 2012, le tabou social sur la dénonciation des deux visages de ce phénomène a été brisé de plus en plus. Davantage de femmes résistent activement au harcèlement et persistent à porter plainte malgré l’attitude de la police ; des survivantes d’agressions sexuelles se sont fait entendre dans les médias et les tribunaux. De nouveaux collectifs et initiatives ont été créés par hommes et femmes choisissant de lutter contre le harcèlement et les agressions sexuelles dans la sphère publique par l’activisme social et l’intervention sur le terrain. Pour nombre d’entre eux, le combat contre la violence liée au genre fait partie intégrante de la mobilisation révolutionnaire ; cette violence ne doit pas être reléguée au rang de « problème social » qui n’a rien à faire sur l’agenda politique, afin de nier la nature politique de la lutte contre elle.

Toutefois, la fluctuation de la couverture médiatique des cas d’agression collective suggère que dans un sens, on peut facilement perdre le terrain gagné. Au-delà d’une nouvelle loi réprimant le harcèlement sexuel, les réactions des autorités ont été décevantes. Le Parlement à majorité islamiste qui avait imputé aux femmes la responsabilité de leur agression a été dissous, mais le leader militaire en route pour la présidence a défendu la pratique des « tests de virginité » forcés et use d’un discours distinctement patriarcal envers les femmes. Pendant ce temps, les autorités semblent se poser en censeur moral par le biais de la répression policière contre des citoyens non hétérosexuels, tout en continuant à utiliser violence sexuelle et humiliations à l’encontre de prisonniers politiques.

Le CEDEJ invite chercheurs et experts dans ce domaine à contribuer des articles sur ces questions ou d’autres aspects des nouvelles luttes liées au genre en Egypte depuis 2011, dans différentes disciplines des sciences humaines, sociales et politiques, ainsi qu’en droit. Le volume des contributions sera de 3.500 à 5.000 mots (notes incluses), en français ou en anglais.

Veuillez envoyer un bref abstract (300 mots max.) à leslie.piquemal@sciencespo.fr d’ici le 30 juin 2014. 
Les articles doivent être rendus le 31 août 2014 au plus tard, pour relecture.