Date de publication:
Lundi 08 Décembre 2014 - 11:44
Publié ici :
08 Décembre 2014Mis à jour le :
23 Juin 2017Mots-clefs:
- édito
- Maroc
- Maroc contemporain
- sociologie
Zone géographique:
- Moyen-Orient
De quoi se plaint-on ? Quand on sait à qui se plaindre …
Faites en l’expérience : aux abords des guichets de la mouquataa, devant un bureau d’état civil ou même dans les interactions quotidiennes, demandez aux gens qui se plaignent de la lenteur de l’administration, à ceux qui ont une anecdote (effrayante parfois, dramatique souvent) d’une spoliation ou d’une décision de justice non exécutée, ou encore à ceux-là qui vous racontent leur transformation en boules de flipper renvoyés d’une administration à une autre, s’ils connaissent l’institution du médiateur du Royaume. A leurs mines interloquées, leurs froncements de sourcils ou leur étonnement, vous comprendrez que la réponse est négative avant même qu’ils ne la formulent. Et pourtant…
Parmi les réformes institutionnelles introduites par la Constitution de 2011, l’Institution du médiateur est consacrée par l’article 162, qui dispose que cette dernière est « une institution nationale indépendante et spécialisée qui a pour mission, dans le cadre des rapports entre l’administration et les usagers, de défendre les droits, de contribuer à renforcer la primauté de la loi et à diffuser les principes de justice, et les valeurs de moralisation et de transparence dans la gestion des administrations, des établissements publics, des collectivités territoriales et des organismes chargés de prérogatives de la puissance publique ». L’institution succède, ainsi, le 17 mars 2011, avec plus de prérogatives et de poids, au Bureau des doléances (Diwan al Madhalim) créé en 2001. Bien qu’adossée au chapitre de la Constitution qui traite de la « bonne gouvernance », l’institution est présentée comme s’inscrivant dans une longue tradition monarchique de réparation des torts causés par des dysfonctionnements administratifs, que l’on se plait à faire remonter à Moulay Ismaël (avec la Wilayat al Madhalim). Si le terme exact a pu changer en fonction des époques et des monarques, si l’étendue des missions et des prérogatives a pu (fortement, parfois) varier, il n’en reste pas moins que ces instances d’intercession se sont spécialisées dans le recueil et, de temps en temps, si la conjoncture était propice, le traitement des doléances des individus dans leurs rapports aux administrations du royaume.
En 2011, la nouveauté consiste en ce que l’Institution a désormais « pouvoir réel de mener des enquêtes et des investigations, voire de proposer et d’engager des poursuites disciplinaires, de saisir le parquet si nécessaire et, enfin, de faire des recommandations concernant l’assistance judiciaire à apporter, notamment aux personnes les plus démunies et aux personnes en situation de précarité » (La vie Eco, 25 mai 2012). Elle n’est pas habilitée, comme le précise le dahir de sa création (bulletin officiel n° 5926), à traiter les demandes de révision d’une décision de justice irrévocable, ni celles relevant de la compétence du Conseil national des droits de l’homme (CNDH). Si, depuis sa création, la chronique de la vie politique est peu agitée ou perturbée par les enquêtes de l’Institution, si le lecteur assidu des journaux peine à trouver mention de poursuites judiciaires qu’elle aurait pu engager ou de saisine du parquet, c’est essentiellement lors de la publication de son rapport annuel présenté au roi qu’elle fait parler d’elle.
(...)
Par Assia Boutaleb, chercheure au CJB
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