L'Ifra-Nigéria a le plaisir d'annoncer la publication de Abuja Na Kpangba. An oda puem-dem, un recueil de 51 poèmes écrits en naija (Nigeria Pidgin) par Eriata Oribhabor. C'est le premier livre publié entièrement dans cette langue, utilisant l'orthographe officielle adoptée par la Naija Langwej Akedemi. Ces poèmes concernent la vie quotidienne au Nigéria, et manifestent la richesse et la diversité de l'invention lexicale du naija. Des notes de bas de page viennent à l'aide des lecteurs peu familiers du quotidien des Nigérians. L'auteur, Eriata Oribhabor, passionné par la défense et l'illustration du naija, écrit depuis Abuja et publie des chroniques humoristiques dans plusieurs journaux et revues.

Eriata Oribhabor, Abuja Na Kpangba — An oda puem-dem.

Ibadan, IFRA-Nigeria, Ibadan, 2011, 59 p.

ISBN: 978-978-9122-67-7

Les chroniques d'Eriata Oribhabor sont disponibles sur le site de l'Ifra Nigeria.

Cette publication fait partie du « Naija Project », codirigé par Bernard Caron et le Professeur Egbokhare de l'Université d'Ibadan, et financé par l'IFRA-Nigéria. Ce projet comporte trois volets : un dictionnaire, une grammaire et une méthode d'apprentissage. Il donnera lieu à la constitution d'un corpus informatisé mis en ligne sous forme de fichiers audio transcrits et glosés, selon une méthodologie mise en place par le projet CORPAFROAS financé par l'ANR. Un premier congrès de mise en place du « Nigeria Pidgin Project » s'est tenu à Ibadan les 8 et 9 juillet 2009. Objectifs : dégager un consensus sur la nature du Pidgin, le sociolecte de référence, et une orthographe standard ; constitution d'un comité scientifique ; constitution d'une académie du Nigeria. Les actes de ce colloque ont été publiés sur le site de l'IFRA.

La langue naija a pris racine dans le Delta du Niger pendant la période du commerce atlantique. On peut en résumer le développement en trois temps forts : (a) la période de domination portugaise dans la région ; (b) la période de domination anglaise ; (c) la période de stabilisation et d'expansion du naija dans l'ensemble du Nigéria (Ce texte est adapté d'un article de David Oshorenoya Esizimetor, "Historical Development of Naijá", publié dans NAIJA: Proceedings of the Conference on Nigerian Pidgin University of Ibadan, Nigeria. 8-9 July, 2009, Ibadan: IFRA-Nigeria, 2010).

Les Portugais lancent leurs explorations des côtes de l'Afrique de l'Ouest dès 1434, à la recherche d'or, d'épices et d'esclaves. Ils atteignent le Delta du Niger en 1472 et fondent un comptoir à Gwatto, le port principal du royaume du Bénin, qu'ils occupent jusqu'en 1520. Ils se replient ensuite sur les îles de São Tomé et Fernando Po, colonisées dès les années 1480, et considérées comme moins insalubres et impropres à l'habitat permanent des Européens que le Delta du Niger. Ces îles deviennent alors les plaques tournantes du commerce portugais dans le golfe de Guinée.

Après 1520, les Portugais espacent leurs visites au royaume du Bénin. A cette époque, le pidgin à base portugaise parlé dans le delta du Niger a commencé à se créoliser à São Tomé où il donna une identité à l'île et à son peuple. Le créole à base portugaise parlé actuellement à São Tomé donne probablement une bonne idée de la langue qui servit de lingua franca dans le delta du Niger à cette époque.

Environ à la même époque où les Portugais visitaient le delta du Niger, le peuplement de la région était en cours de recomposition. Le royaume Itsekiri, fondé par un prince du Bénin à la fin du 15ème siècle, prit de l'importance au début du siècle suivant, quand sa population développa des contacts étroits avec les Portugais. A cette époque, l'influence portugaise était considérable à la cour Itsekiri. Les princes Itsekiri apprenaient le portugais comme on le faisait aussi à la cour de l'Oba du Bénin, et les Portugais furent autorisés à mener des activités missionnaires en pays Itsekiri et partout dans le delta du Niger.

A partir de 1650, les Anglais formèrent des compagnies pour commercer le long des côtes Ouest-Africaines. Cent ans plus tard, ils avaient pris le contrôle de l'essentiel du négoce dans la région, en particulier le commerce des esclaves. Au 17ème siècle, la communication entre les britanniques et les habitants dut se faire dans la langue de commerce de la région : le pidgin à base portugaise du delta du Niger. Un examen attentif du « Journal d'Antera Duke » relatant les événements qui se déroulèrent à Calabar entre 1785 et 1788, suggère que la pidginisation de l'anglais à cette époque en était encore à ses débuts. En 1824, moins de 40 ans plus tard, dans un texte écrit par le Roi Opubu, la langue était déjà en train de se stabiliser. A la différence du texte de Duke, écrit en anglais véhiculaire, le texte d'Opubu montre des formes syntaxiques régulières que l'on retrouve aujourd'hui dans le naija.

Du fait de la domination massive du royaume du Bénin sur la région du delta du Niger pendant cinq siècles, les langues édoïdes ont elles aussi eu une influence significative sur le substratum naija. Les catégories verbales et nominales majeures semblent avoir été en place depuis le développement du premier pidgin à base portugaise, et on été maintenues après sa relexification anglaise. L'influence du français et du krio, quoique présente, est peu pertinente dans la genèse du naija.

La langue naija s'est répandue dans l'ensemble du Nigéria dès les années 1960, après l'indépendance. Ces années ont vu les gens originaires du delta du Niger travailler dans diverses parties du pays, et répandre leur langue dans leur sillage. Dans de nombreux centres urbains du nord, où les gens du sud se sont installés, le naija a prospéré. Depuis, la langue a pénétré les casernes de la police et de l'armée, les centres de formation des jeunes diplômés dans tout le pays, ainsi que les nombreuses universités publiques et privées. Les ministères, les agences et les bureaux gouvernementaux, ont mené en naija de nombreuses campagnes de formation à la sécurité et à l'hygiène publique.

La musique fut peut-être l'outil le plus influent dans la diffusion du naija. Dans les années 60, 70, puis 80, les rythmes populaires du Highlife, de la Calypso et de l'Afrobeat portaient des paroles en naija. Les radios et télévisions les reprenaient dans tout le pays. On notera tout particulièrement l'influence de Fela Anikulapo Kuti. Sa musique "Afrobeat" a été populaire dans tout le pays dans les années 70 et 80 non seulement parce que c'était une musique de contestation, mais parce que son message était exprimé en naija. C'est sa musique qui a rendu familier tout un pan du vocabulaire naija. Aujourd'hui, certains des chanteurs nigérians de hip-hop, reggae, R&B and highlife ont pris le relai, et utilisent le naija dans leur musique.

Le naija est aussi devenu la langue des pièces de théâtre et des séries télévisées. Dans les années 70 et 80, on a ainsi vu 'Niu Maskored', Hotel di Jodan', 'Sekond Chans', et plus récemment, 'Papa Ajasko & Kompini' toutes en naija. Ces dix dernières années les spectacles comiques en naija remportent un succès populaire écrasant, ainsi qu'en témoignent les séries 'Thousand Laughs', et 'Stand UP Nigeria'. Participe au même phénomène le succès de la radio de Lagos, WAZOBIA FM, connue pour ses publicités, ses actualités, et ses débats uniquement en naija. La radio publique diffuse chaque jour un journal d'information en naija.

Aujourd'hui, les statistiques nous confirment la croissance et la popularité du naija au Nigéria. On estime qu'entre 40 et 70 millions de nigérians utilisent le naija comme seconde langue, tant au Nigéria qu'à l'étranger, et que c'est la langue maternelle d'entre 3 et 5 millions de locuteurs. C'est un signe de l'intensité et de la complexité des usages du naija, qui a fait ses preuves depuis le contexte familial jusqu'aux situations professionnelles les plus élaborées.

IFRA-Nigeria is pleased to announce the publication of Abuja Na Kpangba An oda puem-dem, a collection of poems written in Naija by Eriata Oribhabor.
The book is available from IFRA (admin@ifra-nigeria.org).

Oribhabor, Eriata : Abuja Na Kpangba — An oda puem-dem.

Ibadan, IFRA-Nigeria, Ibadan, 2011, 59 p.

ISBN:978-978-9122-67-7

This publication is part of an ongoing research programme on Naija supported by IFRA-Nigeria. This project co-led by Bernard Caron and Prof. Egbokhare of the University of Ibadan, aims at publishing a dictionary, a grammar and a teaching method. It will lead to the establishment of a computerized corpus made available online in the form of audio files transcribed and glossed, according to the methodology established by the CORPAFROAS project. Special care has be taken to ensure integration of young Nigerian & European researchers into this project, to put into practice the role of training for and through research which is part of the specification of the IFRA. The "Nigerian Pidgin Project" was launched during a conference held in Ibadan, 8-9 July 2009. The objectives that were reached at the conference were: a consensus on the nature of Nigeria Pidgin ; the agreement on a reference sociolect, and a standard spelling; establishment of a scientific committee; establishment of an Academy of Nigeria. The proceedings are available on IFRA website.

The Naija language finds its roots in the Niger Delta. The development of Naija can be followed across three major periods: (a) the first period, which saw the Portuguese domination of trade and overriding influence on activities in the region; (b) the second period, which witnessed the arrival of the English as the dominant imperialist force controlling activities in the region; and (c) the third period, which accounts for the stabilisation, expansion and spread of Naija across independent Nigeria1. (This text is adapted from an article written by David Oshorenoya Esizimetor: "Historical Development of Naijá", in NAIJA: Proceedings of the “Conference on Nigerian Pidgin University of Ibadan, Nigeria. 8-9 July, 2009, Ibadan: IFRA-N, 2010.

The Portuguese sailed to the coasts of West Africa from as early as 1434 in search of gold, spices and slaves. They reached Niger Delta in 1472. The Portuguese operated the trading post at Gwatto, the main port of the kingdom of Benin, until 1520 when they finally abandoned it. Since the Niger Delta was considered unhealthy for permanent European habitation, they moved over to the Islands of São Tome and Fernando Po, which they had colonised around by the end of the 15th century and from where they organized trade with Benin and neighbouring people.

After 1520, the Portuguese began to visit the kingdom of Benin less frequently. At this time, the marginal Portuguese based pidgin spoken in the Niger Delta coast had already achieved a stable form. It is possible that as early as the 1600s the Portuguese based pidgin of the Niger Delta started creolising in São Tome where it gave an identity to the island and its people. The present Portugese-based creole of Sao-Tome may give a fairly good idea of what could have been spoken in the Niger Delta at that period.

About the same time as the Portuguese visited the Niger Delta, the region went through political and identity change. The Itsekiri kingdom, founded by a Benin prince in the late 1400s, grew in importance from the early 1500s after its people came into contact with the Portuguese. The latter had a significant influence on the Itsekiri court at that time. The princes of Itsekiri learnt Portuguese as it was also done in the court of the Oba of Benin. The Portuguese were also allowed to conduct Christian missionary activities in Itsekiri land and elsewhere in the Niger Delta.

By 1650, the English formed companies to trade along the West African coast. By the middle of the 18th century, the British controlled the greater bulk of the trade in the region, especially the trade in slaves. At first, much of the early communication between the British and the natives had to be done in the business language of the region – the Portuguese based pidgin of the Niger Delta. A close look at the Diary of Antera Duke documenting events in Calabar between 1785 and 1788 suggests that the pidginisation of English at that time was still at an early stage. In 1824, less than 40 years later, in a text written by King Opubu, the language was already stabilising. Unlike Duke's text that is more of broken English, Opubu's text demonstrates some more regular syntactic forms associated with Naija as it is today.

Because of the overriding influence that the kingdom of Benin had over the entire Niger Delta, which lasted for five centuries, the Edoid languages has a significant influence on Naija substratum. Some of the core verbal and major class elements seem to have been in place since the development of the first Portuguese based pidgin and they were carried over into the English based Naija. If French and Krio have left some lexical traces in the creation of Naija, their importance is negligible.

The Naija language spread all over Nigeria in the 1960's when the country became independent. As people of Niger Delta extraction worked in all parts of the independent country, they spread the language to those places. In many parts of northern Nigeria, where the southerners settled, the Naija language prospered. The language has since found its way to military and police barracks, NYSC orientation camps around the country as well as into many public and private universities around the country. Government ministries, agencies and departments, have been conducting public campaigns in Naija, especially in relation to health and safety issues.

Music has been perhaps the biggest tool in the spread of Naija. In the 60s, 70s and 80s, the popular Highlife, Calypso and Afrobeat music, which had Naija lyrics in them, if not all totally in Naija, were played in various radio and television stations across the country, and in many homes. Of particular note here is Fela Anikulapo Kuti. His Afrobeat music gained popularity across the country throughout the 70s and the 80s, not just because it was protest music but because the central message was passed on in Naija. His iconic role in popularising Naija words is exceptional. Today, some of the most highly rated Nigerian hip-hop, reggae, R&B, and Highlife songs have continued using lyrics in Naija.

Naija has also become the language of comedies both for live performances and serialised television dramas. From the 70s and 80s we have had 'Niu Maskored', Hotel di Jodan', 'Sekond Chans' all done in Naija. More recently, 'Papa Ajasko & Kompini' has also been one the biggest comedies series done in Naija. Within the last decade, stand-up comedies have also risen very fast in popularity. There are practically hundreds of shows and promotions that now feature Naija speaking comedians. 'Night of a Thousand Laughs,' and 'Stand UP Nigeria' have been among the most successful stand-up comedy events. Likewise, the big rave in Lagos is the new FM radio station called WAZOBIA FM, broadcasting news, commercials and talk-shows all practically in Naija language.

Today the statistics bear us out on the spread and popularity of Naija in Nigeria. It has been estimated that between 40 and 75 million people across the entire nation speak Naija as a second language in Nigeria and in many overseas countries where you have Nigerians, and that between 3 and 5 million people in Nigeria, speak Naija as first language. This is certainly indicative of the intensity and level at which the language has been engaged; from its use in common domestic issues to complex corporate solutions, the language has proven itself.