Date de publication:
Lundi 07 Avril 2014 - 15:39
Publié ici :
07 Avril 2014Mis à jour le :
23 Juin 2017Mots-clefs:
- mobilisations
- vie politique
- édito
- Maroc
Zone géographique:
- Moyen-Orient
Quel avenir pour le Mouvement du 20 février ?
Jeudi, le 20 février 2014, le Mouvement du 20 février (M20F) a célébré son troisième anniversaire, qu’il a appelé ‘îd al-cha‘b (la fête du peuple). À l’occasion, une vidéo a été lancée sur Youtube, reprenant certains slogans du début des protestations en 2011 : mamfakinch (nous ne lâchons pas !) ; hurriya,karâma, ‘adâla ijtimâ‘iya (liberté, dignité et justice sociale). Dans plusieurs villes du pays, les activistes se sont mobilisés. À Rabat, quelques centaines de personnes ont manifesté devant le Parlement. Trois jours plus tard, le 23 février, une marche, plus importante et mieux coordonnée, a été organisée.
Durant cette marche, de Bab al-Hadd jusqu’au Parlement, les organisateurs ont réitéré la nécessité de continuer la lutte pour les valeurs démocratiques et pour la justice sociale. Les mêmes vieux slogans ont été scandés, mais de nouvelles demandes ont aussi été formulées, à propos surtout de la nouvelle constitution – isqât al-dustûr al-jadîd (à bas la nouvelle Constitution) – et en appellent à une autre basée sur une monarchie parlementaire. De même, un appel a été adressé à toutes les forces de protestation pour s’engager sous la bannière du M20F.
L’anniversaire fut l’occasion de faire le point sur l’état du Mouvement : les raisons de la faiblesse de son action et les scénarios éventuels de son avenir. Khadija Ryadi, qui a participé à la marche, impute cette faiblesse au virage violent qu’ont pris les révoltes arabes, notamment en Égypte et en Syrie. Elle donne là, sans doute, la raison faible, exogène, pour expliquer ce passage à vide « temporaire », sans chercher à comprendre et analyser la complexité de la situation. Ryadi estime aussi que les raisons d’être du M20F existent toujours et que celui-ci continuera, par conséquent, à porter les mêmes projets et les mêmes demandes. Cet argument, souvent réitéré par les activistes du Mouvement, politisés ou non, révèle un paradoxe sous-jacent : comment assurer la continuité de l’action malgré l’épuisement du dispositif qui doit la porter ?
À la question de savoir si le Mouvement est toujours capable, dans le contexte actuel, de retrouver sa force et, partant, de mobiliser la rue, seulement 26% ont répondu par l’affirmative, contre 69% ayant répondu par la négative – les 5% restants sont sans opinion. Il est intéressant, à cet égard, de suivre les discussions et les commentaires des internautes en marge de ce sondage organisé par le journal populaire Hespress à l’occasion du même anniversaire. Les idées sont partagées : certaines prédisent la fin inéluctable du M20F ; d’autres soutiennent que l’âme du Mouvement continue bel et bien d’exister et finira sûrement par reprendre corps tant que les conditions de sa genèse persistent.
Un intervenant ironise sur ce qui reste du M20F, paraphrasant ce que chantait Abdelhalim Hafed : « Les camarades sont désemparés…spéculent…s’interrogent sur leur devenir ». Selon un autre, c’est la mort de l’idée du peuple qui a été la cause de l’impasse dans laquelle s’est trouvé, depuis le début, le M20F. Une mort qu’il exprime en termes de pluralité de revendications non coordonnées : « …Menteurs ceux qui prétendent parler au nom du peuple… Le peuple n’existe pas… Il y a des individus dont les revendications sont divergentes. Le peuple est mort. Et c’est ça le problème du M20F ». À l’opposé, un autre intervenant va dans le même sens que Ryadi et estime que « le M20F n’est pas mort tant que le despotisme et l’autoritarisme existent. Il est le seul refuge pour le peuple marocain pour se libérer du Makhzen…. ». Une idée soutenue par un quatrième commentaire qui, tout en reconnaissant la mort corporelle du mouvement, dit la survie de son âme : « Tout le monde est mort, reste l’âme du M20F ».
(...)
Par Zakaria Rhani, chercheur au CJB
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