Date de publication:
Mercredi 30 Avril 2014 - 10:48
Publié ici :
30 Avril 2014Mis à jour le :
23 Juin 2017Mots-clefs:
- sida
- Maroc contemporain
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- Maroc
Zone géographique:
- Moyen-Orient
Femmes et Sida au Maroc. De l'inégalité biologique à l'inégalité sociale.
Si le monde entier est concerné par l’expansion croissante de la pandémie du sida, l’impact socio-économique dans le cas particulier de l’Afrique pèse très lourd sur les systèmes de santé ainsi que sur les populations les plus vulnérables. Le Maroc ne fait pas exception et l’épidémie touche une tranche fragile de la population composée majoritairement de femmes engendrant, ainsi, un processus de féminisation de la pandémie. Dès lors, les spécialistes, médecins, sociologues, anthropologues et épidémiologies se sont attelés à décortiquer les logiques biologiques et sociales qui sous-tendent ce processus de féminisation de la maladie et ses conséquences sur leurs vécus entachés de leur vulnérabilité économique et sociale.
La problématique « genre et sida » a fait l’objet de nombreuses recherches dans les pays du Nord comme dans d’autres pays en Afrique, notamment des enquêtes auprès des personnes des deux sexes. Ces études ont pour objectif d’appréhender leurs conditions de vie, leurs pratiques sexuelles ainsi que leur connaissance en matière de sida afin d’évaluer les facteurs de vulnérabilité face aux maladies sexuellement transmissibles . Ces recherches, outre leur valeur heuristique, ont contribué à l’élaboration de nouvelles politiques en matière de prévention pour réduire les nouveaux cas d’infection. Au Maroc, les études réalisées sont, en grande partie, des expertises (recherches-actions) recommandées par l’OMS ou par le Ministère de la Santé dans le cadre des politiques de prévention, en omettant, cependant l’analyse de la problématique dans une perspective du genre. Ce travail qui s’inscrit dans le cadre d’une thèse en sociologie en cours sous le thème « genre et sida, parcours de vie des jeunes séropositifs » en adoptant une approche qualitative (ethnographique), basée sur des entretiens biographiques, se veut un éclairage sur quelques traits d’inégalités et de discriminations à l’égard des femmes séropositives et de leur entourage et en comparaison à leurs homologues de sexe masculin.
Femmes séropositives et représentationsLes représentations multiples de la maladie ne sont pas sans connotations et incidences morales. Le sida a fait l’objet de nombreuses représentations en relation avec sa causalité, expliquant la nature des attitudes de rejet et de stigmatisation vis-à-vis des malades. Les différentes études réalisées n’ont montré aucune connotation valorisante autour de la maladie sida. Du fait de son lien avec des comportements relatifs à la sexualité, le sida est toujours considéré comme la conséquence du non-respect des normes sociales et religieuses, et les malades comme des coupables qui doivent supporter les résultats de leur inconduite. Une personne est malade du sida parce qu'elle a eu « des écarts de conduite », écarts qui tombent forcément sous le coup des pratiques de « débauche » : prostitution, homosexualité, etc.
Les pratiques de rejet, de réprobation et de blâme revêtent des aspects multiples : quelles que soient les causes invoquées pour justifier la maladie - causes qui peuvent être très différentes selon les cas (voie sexuelle, transfusion ou autre) - l'argument moral est souvent gagnant. Les personnes séropositives ou malades du sida sont perçues plus ou moins comme « souillées », ce qui excuse, voire justifie en retour la punition et le rejet. Et si les femmes mariées infectées, rencontrées lors de cette étude, rejettent la responsabilité sur le dos de leurs maris, les hommes n’hésitent guère à inculper la femme infectée.. Cette dernière, corrobore ainsi la chaine de causalité pour accuser, in fine, une autre femme d’avoir contaminé son mari : « Il me disait qu’il ne m’avait jamais trompé, mais il certainement traîne avec les sales putes dans la rue », m’explique une femme mariée. Quand un enfant ou un nouveau né est touché par le virus, c’est à la mère qu’incombe la culpabilité . La mère peut transmettre le virus au nourrisson soit pendant l’accouchement soit via l’allaitement, le père disparaissant, ainsi, du paysage. C’est ainsi que les femmes sont tenues pour responsables de la santé de leurs partenaires ou de leur famille, et en tant que médiatrice de la culture, mais aussi de la société du fait de la reproduction, la femme et donc le corps de celle ci sont considérés comme les principaux vecteurs de la contamination.
(...)
Par Bouchaib Majdoul
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