Date de publication:
Vendredi 11 Juillet 2014 - 10:41
Publié ici :
11 Juillet 2014Mis à jour le :
23 Juin 2017Mots-clefs:
- Magrheb
- édito
- genre
- Maroc
Zone géographique:
- Moyen-Orient
Peut-on parler de gender studies arabes? Un focus sur le Maghreb
Récemment un colloque consacré à l’état des sciences humaines et sociales s’est tenu à l’Université américaine Al-Akhawayn d’Ifrane (23-24 mai 2014). Malgré les quelques contributions relatives à la question du genre dans la société marocaine (mères célibataires, divorces, femmes séropositives), le colloque a révélé la faible institutionnalisation des recherches sur le genre dans le pays. Il est vrai que cela s’inscrivait dans un constat plus général des difficultés d’exister pour les SHS au sein de l’université marocaine (publique comme privée). On peut néanmoins relever le relatif dynamisme de champs d’études comme la sociologie et la géographie urbaines, l’anthropologie rurale ou encore l’anthropologie religieuse, mais pas dans les gender studies…
Une diffusion lente du concept de « genre » dans les pays arabes
Dans les pays arabes, l’introduction du concept de genre (al jandar ou al nawu’ al ijtima’i) a eu lieu dans les années 1990 après son apparition officielle dans les conférences internationales telles que laConférence sur la Population et le Développement au Caire en 1994 et celle de Pékin en 1995. Cette apparition a encouragé principalement les intellectuelles et des chercheuses arabophones à entamer des recherches en discutant les nouveaux paradigmes proposées par ce champ d’étude. À titre d’exemple, nous pouvons parler des travaux de Leila Abu Lughod (1993) en Égypte, Azza Charara-Baydoun (2011) au Liban, et d’autres.
Au Maroc, la littérature féminine depuis la fin du XX e siècle notamment les travaux de Fatima Mernissi (1985) constitue un point de départ non seulement du combat pour le féminisme dans la société marocaine, mais aussi de la recherche sur l’histoire des femmes dans ce pays. La chercheuse-féministe a abordé dans ses travaux des sujets qui ont été pendant longtemps marginalisés dans l’histoire des femmes ou considéré comme des tabous : la sexualité, les rapports hommes-femmes dans la culture et dans l’islam, ainsi que les représentations occidentales des femmes maghrébines...
Presque trois décennies plus tard, les recherches dans cette nouvelle perspective de genre continuent à se développer. Elles semblent même avoir connu une accélération depuis la dernière décade, à la faveur d’un fait de société important au Maroc : la réforme de la Moudawwana en 2004, qui a initié un vif débat de sociétés entre les différentes tendances politiques et sensibilités religieuses du pays. Parmi ces les travaux récents des chercheuses contemporaines issues de différents domaine des SHS comme, on peut citer les sociologues Aicha Belarbi (2012) et Leila Bouasria (2013).
En mars 2014, Belarbi a reçu le trophée des défenseurs des droits humains d’Amnesty International-Maroc, en reconnaissance de sa contribution à la consolidation et la protection des droits humains. La chercheuse et militante a fait de la participation des femmes à la vie politique son combat. De son côté, Leila Bouasria est l’une des premières chercheuses marocaines à s’être intéressée de près, dans une perspective ethnographique, aux ouvrières marocaines. Son travail de terrain lui a permet d’aborder des sujets sous une perspective de genre comme les transformations socio-économiques, les logiques d’action, les rôles de genre au foyer, et les nouveaux rapports sociaux de genre dans la société marocaine.
Ainsi, la liste des chercheuses (et des chercheurs) qui travaillent sur les rapports entre hommes et femmes au Maroc s’allonge de plus en plus ces dernières années depuis Rahma Bourqia (2007), jusqu’aux études plus récentes de Mériam Cheikh (2013) et Yasmine Berriane (2013), et d’autres.
Malgré cela, la diffusion du concept de genre et de son étude demeure lente au Maroc et dans l’ensemble du Maghreb, ainsi que dans l’ensemble pays arabes, où elle est faiblement institutionnalisée, alors pourtant que la situation générale des femmes se prête au déploiement d’enquêtes tous azimuts. Pour tout dire, ce courant reste à l’état embryonnaire, institutionnellement parlant.
(...)
Par Hasna Hussein, professeure associée à l'Institut des Sciences Politiques, Juridiques et Sociales de l'Université Mundiapolis, Casablanca. Chercheure associée au Centre Jacques Berque, Rabat
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